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Combien coûterait un abandon de Notre-Dame-des-Landes ?
mardi, 2 septembre 2014
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Manuel Valls l’aurait suggéré : le nouvel aéroport, trop cher, ne se fera pas. Sauf que l’Etat et Vinci ont déjà engagé des billes. Quelle serait la facture pour un renoncement définitif ? « Terra eco » a sorti sa calculette.
Fini, enterré, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ? Peut-être bien ! C’est en tout cas ce qu’aurait affirmé Manuel Valls au sénateur écolo Jean-Vincent Placé lors des négociations sur sa possible participation au nouveau gouvernement. Sur l’antenne d’Europe 1, Daniel Cohn-Bendit rapportait ainsi le 27 août les propos qu’aurait tenus le Premier ministre : « Cet aéroport, on ne le fera pas. Il est trop cher, il est d’un autre temps. Mais on ne peut pas le dire publiquement aujourd’hui car je ne veux pas froisser mon prédécesseur. » Une information ni confirmée, ni infirmée par Jean-Vincent Placé.
Trop cher l’aéroport ? Ça dépend pour qui. Dans les cartons depuis les années 1970, le projet s’installe sérieusement sur la table des négociations en 2006. A l’époque, on estime grosso modo qu’il faudra débourser 581 millions d’euros pour le voir sortir de terre, beau et rutilant (voir enquêtes préalables à la Déclaration d’utilité publique). Un chiffre revu largement à la hausse en 2010, lors de la signature de l’accord sur le financement de l’aéroport et de sa desserte terrestre : on parle alors d’une fourchette de 654 à 754 millions d’euros. A l’heure où Vinci décroche le pompon, le prix, lassé de jouer les yo-yo, est finalement fixé à 556,5 millions d’euros hors taxe pour la construction de l’aéroport et de son barreau routier de 12 km (voir l’annonce du Conseil général en septembre 2010). Dont 246 millions aux frais de l’Etat et des collectivités territoriales. Utopique pour les opposants. Ceux-là estiment que le budget ne tient pas compte de tous les travaux connexes (notamment l’allongement de la ligne TGV, du tram-train…) et tablent plutôt sur un chiffre de 3 milliards d’euros (voir fiche N°6) à la charge presque exclusive de l’Etat.
Pris au collet, les antis ne se démontent pas. Et mandatent deux architectes pour passer les calculs de la DGAC à la moulinette. En juin dernier, ils présentent une facture d’aménagement à 475,8 millions d’euros pour le scénario maximum de 9 millions de passagers accueillis. Soit plus de deux fois moins que les 825 millions prévus par la DGAC ! Reste que le pas en arrière du gouvernement, s’il se confirme, ne sera pas sans coût. S’il se dédit, en effet, l’Etat devra rembourser à Vinci les sommes investies, les fonds propres engagés et les coûts de résiliation des contrats passés avec les prestataires ou les sociétés d’assurance. Il devra surtout compenser le manque à gagner, dont le calcul savant est détaillé dans l’article 81 du contrat de concession, pour les actionnaires. En clair, ce manque à gagner constitue « l’intégralité de la valeur actualisée nette (VAN) des flux futurs (apports, rémunérations et remboursements) des fonds propres et quasi-fonds propres ». « Si les actionnaires injectent 50 000 euros, la VAN est la somme de tous les flux financiers que ces investissements vont rapporter majorés d’un pourcentage qui dépend de la date de résiliation. C’est très compliqué de souligner le chiffre exact », ajoute Dorian Piette, militant écologiste et professeur d’économie à l’université de Nantes.
Pour Ronan Dantec, il est peu probable que Vinci réclame un jour son dû : « Vinci travaille beaucoup avec l’Etat. Or, quand on est un bon commercial et qu’on a un excellent client, on ne va pas l’embêter sur certains dossiers. L’Etat a les moyens d’imposer à Vinci sa décision », souligne le sénateur écolo de Loire-Atlantique. D’autant que l’industriel n’est pas vraiment perdant : « Il faut se rappeler que pendant ce temps, Vinci empoche beaucoup d’argent à Nantes-Atlantique dont il a obtenu la concession avant le transfert vers le nouvel aéroport. Il ne fait aucun travaux et empoche donc tous les bénéfices. Soyons clair, Vinci n’est pas financièrement touché par la décision de suspendre Notre-Dame-des-Landes. » Selon Mediapart qui s’appuie sur un document de la chambre de commerce et d’industrie de Nantes, la concession de Nantes-Atlantique a généré 155 millions de flux financiers en 2011. Et le chiffre d’affaires d’AGO (qui compte aussi l’aéroport de Saint-Nazaire) pour 2012 montre des résultats florissants : 54,8 millions de chiffre d’affaires et des bénéfices de 17,8 millions d’euros. « Peut-être que le deal consistera en ce que Vinci conserve gratuitement la concession de Nantes-Atlantique qu’il a obtenu au moment de la signature du contrat de Notre-Dame-des-Landes », lance Dorian Piette.