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Traité de libre-échange UE-USA : pourquoi villes et régions se rebellent
jeudi, 20 mars 2014 / Amélie Mougey

Bourguignons, Bisontins, Niortais... votre ville ou votre région a pris position contre le traité de libre-échange transatlantique (Tafta). Que signifie cette décision ?

Au nom du libre-échange, les poulets de Bresse vont-ils céder la place aux volailles américaines lavées à la Javel ? Les élus bourguignons le craignent. C’est pourquoi ce lundi 17 mars, le conseil régional de Bourgogne a adopté une motion sobrement baptisée « Vœu pour un traité transatlantique plus transparent ». Ce texte vise le traité Tafta (Transatlantic Free Trade Agreement) discuté depuis juin 2013 à la Commission européenne et qui à partir de 2015, pourrait lier l’Europe aux Etats-Unis. Après la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), l’Ile-de-France, Niort (Deux-Sèvres) et Besançon (Doubs), la Bourgogne est la cinquième collectivité française à répondre – ou à devancer - l’appel « Déclarons nos communes hors Tafta », publié le 14 mars par le collectif unitaire national contre le traité.

Des multinationales qui poursuivent les Etats

Pour Daniel Berneron, membre du collectif, il en va de la survie des pouvoirs locaux. « Si le traité est adopté, les collectivités perdront toutes leurs prérogatives au profit des multinationales » affirme-t-il. Le collectif, qui réunit une myriade d’associations citoyennes comme les Engraineurs ou Attac, dénonce surtout un mécanisme du traité qui permettrait aux firmes procédurières de porter plainte pour entrave à leur liberté commerciale. Ainsi, les Etats ou collectivités « trop » stricts en matière de droit du travail, de protection de la santé ou de l’environnement s’exposeraient à des poursuites.

Le scénario n’est pas théorique. L’an dernier, ce mécanisme a permis à Philip Morris d’attaquer en justice la politique anti-tabac de l’Uruguay et de l’Australie. En France, écologistes, militants de gauche et ONG craignent donc de voir Monsanto attaquer une Europe trop hostile aux OGM ou Chevron faire sauter les entraves législatives à l’exploitation du gaz de schiste.

Fin du bio dans les cantines ?

« Le traité a beau être supranational, l’impact sera local » affirme Abdel Ghezali, adjoint au maire de Besançon pour justifier la motion prise le 18 février par sa ville. L’élu socialiste craint pour l’introduction du bio dans les cantines et la gestion de l’eau en régie. « Le risque serait de ne plus pouvoir refuser ce type de marchés aux multinationales sous prétexte qu’elles proposent des prix imbattables, explique-t-il. Nous n’avons rien contre le fait de faire appel au privé, mais il y a des secteurs pour lesquels la ville est compétente, et dans tous les cas, on veut continuer à avoir le choix. »

Devant les premières protestations de la société civile, Karel de Gucht, le commissaire européen au Commerce chargé du dossier, a décidé de remettre à plus tard les discussions sur ce point du traité. Depuis, peu de choses filtrent sur l’avancée des négociations. « On ne sait pas ce qui va sortir du chapeau », résume Philippe Hervieu, le président du groupe Europe Ecologie Les Verts (EELV) de Bourgogne à l’initiative de la proposition.« Tout ce qu’on demande c’est que le couvercle soit levé sur ce qu’il se passe au niveau européen », poursuit la conseillère régionale EELV Chantal Dhoukar. Le requête fait écho à l’appel lancé le 15 mars par Corporate Europe Observatory et 26 autres ONG .

La Bourgogne face au reste du monde ?

De Niort à Bruxelles, les opposants à Tafta espèrent parler d’une même voix. « Ce ne sera pas la Bourgogne face au reste du monde, reconnaît Philippe Hervieu, l’idée c’est d’abord d’amener l’Association des régions de France (ARF) à prendre position ». Même combat en Paca où Jean-Louis Joseph, vice-président PS de la région Paca a soutenu la motion « Hors Tafta » déposée par le front de gauche : « Les élus PS considèrent que tout n’est pas à jeter dans ce traité, mais on s’est associés pour protester contre le manque d’informations de l’ARF. » Dans les faits, se déclarer hors Tafta n’a pour l’instant qu’une portée symbolique. Reste que le timing est propice. « L’idée c’est d’alerter les gens, de créer un rapport de force et d’imposer le débat avant les élections européennes », explique Chantal Dhoukar.

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