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La neige fond mais les stations continuent de chausser les skis
vendredi, 21 février 2014
/ Cécile Cazenave
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A la fin du siècle, seuls 202 domaines alpins sur 666 seront viables. En cause ? Le changement climatique ? Et pourtant, les stations montagnardes ne semblent pas prêtes à lâcher les investissements autour des sports d’hiver.
Avec 16°C en moyenne la semaine dernière, la neige caucasienne n’avait pas toutes ses chances. Et quand les organisateurs des Jeux olympiques de Sotchi ont été obligés de faire venir du sel suisse pour sauver quelques pistes, tout le monde a ri sous cape. On s’est bien gaussé de ces apprentis-sorciers de Russes qui ont eu la bonne idée de mettre la compétition sportive la plus attendue de l’année sous un climat subtropical. Surtout quand, chez nous, la neige tombe juste à temps pour cette première semaine de vacances d’hiver. Il n’y a pourtant pas vraiment de quoi fanfaronner. Parce que d’ici peu, ni Chamonix (Haute-Savoie), ni Grenoble (Isère) ne pourront plus espérer accueillir encore une fois les JO, avec un climat hivernal digne de ce nom. En 2050, aucune chance pour ces deux villes hexagonales qui ont accueilli la compétition en 1968 et 1924, de rejouer la partie. C’est le résultat d’une étude de l’université de Waterloo, au Canada. Il fera bel et bien trop chaud.
Depuis, les scientifiques ont creusé la question et la couche neigeuse. A Météo France, la base de données Scampei a livré des projections plus précises sur les 23 massifs des Alpes françaises en tenant compte de trois niveaux d’altitude. En 2030, à 1 200 mètres d’altitude, dans le Chablais, un massif niché contre le lac Léman, le nombre moyen de jours par an où la hauteur de neige au sol dépassera 5 centimètres sera réduit d’un tiers dans le meilleur des scénarios climatiques, de plus de deux tiers dans le pire. Pour la même configuration d’altitude et de temps, le Champsaur, pays de marmottes, dans le sud des Alpes, devra diviser ses jours de neige par deux au minimum, par quatre si rien ne va. Bien sûr, les hautes altitudes s’en sortent mieux. Même si à 2 400 mètres, l’épaisseur moyenne du manteau neigeux du célèbre massif de la Maurienne pourrait être divisé par deux vers 2070, dans le pire des scénarios bien entendu. Indéniablement, c’est la moyenne montagne qui va fondre en premier. « A l’échelle d’une vie humaine, on ne sentira pas réellement la différence, précise Daniel Goetz, du Centre d’études de la neige de Météo France. Mais si nos modèles sont exacts, pour les deux générations qui nous suivent, ça va être plus compliqué. »
« La première réaction face à l’aléa météorologique a été d’investir dans la neige de culture, c’était une réponse d’adaptation technique, analyse Emmanuelle George-Marcelpoil, directrice de l’unité Développement des territoires montagnards de l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. Mais depuis les années 2000, les politiques publiques ne soutiennent plus ce type d’investissements pour des raisons économiques et environnementales. » Nouvel objectif : la diversification. Mais les stations continuent pourtant à y croire, à la neige, parfois jusqu’à épuisement. Il y a deux ans, après de multiples rebondissements, la station de Drouzin-le-Mont, à 1 230m d’altitude, dans la vallée d’Aulps, en Haute-Savoie, a dû stopper ses remontées mécaniques quand l’exploitant s’est tout simplement retiré. Des logements de ski étaient encore en construction… Aujourd’hui, la commune du Biot, dont dépend la station, essaye d’imaginer des activités de montagne douce, terme un peu flou qui signifie avant tout que les administrés refusent de tout perdre… Dans la vallée d’à côté, les Hauts-Savoyards suivent depuis quelques années les péripéties de la station d’Abondance, à 930 mètres d’altitude. Après deux années de fermeture, l’arrivée d’un riche Américain du Colorado puis son départ, la mairie tient tant bien que mal les rênes de son domaine skiable. Pour combien de temps encore ? « Les maires sont démunis, les solutions sont à inventer et pour le moment, le choix le plus simple, c’est de continuer à faire ce que l’on sait faire », note Emmanuelle George-Marcelpoil.