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J’ai testé le déménagement à la campagne
jeudi, 24 octobre 2013 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Paris sera toujours Paris, mais sans moi, désormais. Salut, bye-bye, adiós ! J’émigre en Bourgogne, avec ses logements princiers, ses voisins sympas… et mes meubles de récup.

Il y a certains moments dans la vie où il faut se mettre un bon coup de batte de base-ball sur la tronche. Après des mois de « burnoute » aiguë, d’achats compulsifs aussi débiles qu’inattendus – comme un combi VW mieux que celui de Jean-Marc Ayrault (Lire Terra eco n° 41, novembre 2012) – et des années à 400 à l’heure, j’ai quitté Paris. Fini, la vie nocturne faite de côtes-du-rhône et de rires sardoniques. Fini, les cohortes de rues embouteillées et de décibels inutiles. Exit le terrier où des toiles aussi noires que tchernobyliennes recouvraient les murs. J’ai enfin pris mes cliques et mon clic-clac pour la campagne, ses alcooliques consanguins, son silence assourdissant (oxymore ! oxymore !) et ses cafés au comptoir à moins d’un euro. Direction Joigny – 11 000 habitants, tout de même –, l’Yonne, son Emile Louis et son côtes-saint-jacques.

Rappelons ici qu’un déménagement, subi ou non, provoque un miniséisme psychologique qui peut former des montagnes de stress du même niveau que celles d’un deuil, par exemple. Pour la science et vous, chers Terraphiles, j’ai testé l’épreuve. Voilà comment procéder pour un déménagement cool et slow. A chaque étape, sa question.

Le nid : quelle surface ?

Alors qu’à Paris le soutier de l’information ne peut guère louer plus qu’un correct 40 m2, le marché de l’immobilier jovinien offre de quoi nidifier dans 180 m2, le tout avec la bénédiction du banquier dudit soutier. Oui, mais pourquoi choisir aussi grand quand on vit seule avec seulement un cramouninouche-de-merveille-de-p’ti-chaton ? Inutile de « faire péter l’atelier de 100 m2 », comme le préconisait une amie non-décroissante, un simple 80 m2 AVEC jardin et gigantesque cave suffit amplement. En résumé, c’est deux fois plus grand – énooorme – et deux fois moins cher. Mégasupergigahic : la cuve à fioul. Avis aux amateurs pour m’aider à soumettre un projet alternatif à mes propriétaires.

Le transport des cartons : fait-maison ou délégué ?

Cette fois, j’ai joué les gros bras en louant un camion comme une grande. Pfiiiiou, juré craché, c’est la dernière fois qu’on m’y prend. Au fait, tintin pour trouver un utilitaire électrique ! Et ce, alors qu’en 2011 Europcar annonçait un partenariat avec Mercedes pour proposer du camion nucléaire.

Frigo or not frigo ?

That is la question qui se pose. Elle fut réglée lorsque j’appris qu’Yves Cochet me cédait un vieux frigo d’un local de campagne. O fierté suprême. Il dormait depuis 2002 au fond d’une cave et, merveille, est auréolé d’un sticker « Green energy ». Merci monsieur le député, je pense à vous dès que je l’ouvre (je pense à vous souvent, quoi !). Pour le reste, Leboncoin.fr m’a permis d’acquérir une cuisinière vitrocéramique à la jolie étiquette-énergie « A+ » – pour 200 euros (contre 500 neuve), installation conviviale par l’ancien proprio (aussi neuneu de la prise électrique que moi) comprise.

Pour les meubles, on chourre à mémé ou on iké(n)ase ?

Mémé, pardi ! Mais aussi Emmaüs, les trottoirs et les sites Freecycle.org et Leboncoin.fr (encore) ! Meubler un appartement vide à peu de frais, c’est accueillir toute la biodiversité des goûts et de l’ébénisterie du XXe siècle. De mon terrier névrotique, je n’ai conservé qu’un très boudoireux canapé en velours lie-de-vin, ainsi qu’un pouf iranien. Point de lit, de table, de buffet ou d’armoire, ni de fauteuils, de penderie, d’échelle ou d’étagères. J’ai donc craqué pour deux buffets qui me faisaient de l’œil depuis la boutique Emmaüs du XVIIIe arrondissement de Paris (120 euros le lot). Depuis le ciel, Mémé m’a envoyé ses fauteuils en cuir (zéro euro) et sa commode (peanuts). Une voisine m’a refilé une structure de lit Ikea à faire pâlir d’envie un adepte de soirées sado-masos (toujours peau de balle).

Sur Freecycle.org, une armoire me tendait les portes (nada). Une table en formica jaune, à peine débarquée chez un brocanteur, est venue égayer ma cuisine (50 euros). On m’a offert le bureau de ministre d’un lointain ancêtre (que dalle). Bref, pour 170 euros, j’ai meublé l’essentiel de mon chez-moi. Attention, petits scarabées, chiner prend du temps. Il faut littéralement psychoter sur son déménagement pour faire ça vite !

On tape les voisins ou bien ?

On les met à contribution. Débouler quelque part, c’est demander plein de services, de conseils et d’adresses. Sur ma nouvelle place de la République, il y a un arbre et des pavés, une vieille église et plein de gens souriants. Par ici la scie de Fabien, les muscles de Denis, la vigilance de Prunelle, les bonnes tables du fou qui a racheté le Palais de justice, l’adresse de la meilleure boulange… Quant à l’apéro kid-friendly d’arrivée, il est impératif afin de récompenser les efforts, tisser des liens, s’enraciner, nidifier… Pardonnez-moi, je délire ! C’est le coup de batte de base-ball, il était peut-être un peu fort. —