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Les grandes marques font un gros caprice de Dieu
jeudi, 26 septembre 2013
/ Emmanuelle Vibert
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Puget, LU, Babybel et compagnie vont-ils sauver l’humanité ? Personne ne se pose la question… sauf ces enseignes elles-mêmes. Une quinzaine d’entre elles se paient une campagne de pub géante pour s’autoproclamer messies des temps modernes.
Depuis huit ans, elles s’y mettent à plusieurs pour nous convaincre qu’elles sont les plus belles du monde. Et leur campagne 2013 en fait un maximum. Qui ça ? Les « grandes marques », pardi !
Dans l’un d’eux, la voix off affirme : « Dans un monde où chacun ne semble se préoccuper que de lui-même, ce sont les grandes marques qui se mobilisent pour apporter de la joie aux enfants les plus vulnérables (sur l’écran s’affiche « Kinder s’engage pour l’enfance »). Ce sont les grandes marques qui chaque jour nous font voir la vie côté fun (« Mini Babybel fait avec 98 % de lait »). Ce sont les grandes marques qui nous font partager d’inoubliables moments de gourmandises (sucre Saint Louis). Les grandes marques s’engagent aujourd’hui pour demain. »
Dans l’autre, ça recommence : « Dans un monde où la nature est une vraie richesse, ce sont les grandes marques qui investissent dans une production biologique de qualité (huile d’olive Puget Bio). Ce sont les grandes marques qui préservent la biodiversité locale aux côtés d’agriculteurs français (« blé LU cultivé pour être encore meilleur »). Ce sont les grandes marques qui innovent pour réconcilier nature et plaisir (Béghin Say ligne sucre et stévia). » Et encore, jusqu’à plus soif : « Dans un monde où l’on a besoin de moments de partage… », « Dans un monde où l’exigence de qualité est importante… » Et les poncifs de dégouliner : « Dans un monde où on ne prend plus le temps d’apprécier les bonnes choses… » Et, à chaque fois, qui nous sauve, à votre avis ?
D’autant plus dommageable que certaines de ces marques ont déjà été épinglées pour greenwashing (parfois même dans ces pages !). Lesieur a reçu le prix Pinocchio en 2012 pour sa campagne « Aidons l’Afrique », parce que sa maison mère, Sofiprotéol, est l’un des plus importants producteurs d’agro-carburants au monde. LU promeut une charte maison pour la culture de son blé « qui favorise la biodiversité locale » avec un flou savamment entretenu. Kinder « s’engage pour l’enfance » mais est régulièrement pointé du doigt dans la montée de l’obésité infantile. Béghin Say « innove » avec la stévia, quand c’est Claudie Ravel, fondatrice de la marque équitable et bio Guayapi Tropical, qui l’a introduite en France et s’est battue pour cela devant les tribunaux ! Bref, on n’a rien trouvé qui permette à ces « grandes marques » de se prendre pour le président de la République et Dieu réunis. Parce c’est de cela qu’il s’agit, quand elles sous-entendent que ce sont elles, et personne d’autre, qui font progresser le bio, protègent la nature, sont solidaires et font le bonheur de l’humanité. Dans ce monde où tout fout le camp, elles seules viendraient à notre rescousse. Merci pour le prêche !
(1) Fondée en 1987, cette association réunit plus de 70 groupes fabricants de biens de grande consommation.
Avis de l’expert : 1/5
Céline Réveillac, consultante en marketing et en communication « Cette campagne commune sent l’hypocrisie du début à la fin. Elle tente de nous convaincre que ces quinze marques, tels des prophètes, s’engagent. Dans une démarche concrète, précise, mesurable ? Une action commune, cohérente ? Que nenni ! Sur le fond, ce n’est donc que babillage. Sur la forme, ce n’est pas mieux. L’approche est maladroite, le ton des films vaniteux, presque prétentieux. Les termes sont vagues et la signature vide de sens. Le site Internet comblera difficilement les quelques curieux sensibles aux arguments avancés. Bref, tout est là pour transformer un consommateur averti en consommateur suspicieux. »