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ILO parle la langue de la parité
lundi, 29 octobre 2012
/ Alexandra Bogaert
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Femmes au travail, mode d’emploi. Ou comment se soucier des employées à l’extérieur les rend sereines à l’intérieur.
Les trophées sont nombreux, mais pas franchement mis en avant. Ils trônent sur une petite table, à côté des toilettes des femmes, loin de l’entrée, derrière l’espace détente, avec ses canapés et son café équitable. Les labels « égalité professionnelle » et « diversité » y figurent, parmi d’autres. ILO – pour International Language Organisation – a l’exemplarité discrète. La société pourrait se targuer d’être l’une des premières PME à avoir obtenu ces distinctions pour son engagement en faveur de l’égalité hommes-femmes, pour la conciliation entre vie privée et vie professionnelle et contre les discriminations. Car si, dans les locaux spacieux et colorés, situés à Baillargues dans la campagne héraultaise, on pratique la traduction, on forme aux langues et à l’interprétariat, on fait surtout en sorte que les employés – quinze femmes et trois hommes – se sentent bien dans leur travail. C’était la volonté première de Clare Hart, Anglo-Canadienne au français parfait mais à l’accent bien marqué. Cette fille et petite-fille d’entrepreneurs « très paternalistes » a monté sa société en 1993 avec « l’envie de créer une entreprise dans laquelle les gens viendraient avec plaisir ».
Pour ce faire, en sus d’une rémunération attractive, Clare a mis en place plusieurs mesures « de bon sens » pour faciliter l’organisation du travail de chacun. Et notamment « une liberté totale pour le choix des horaires, pour tout le monde, à tout moment ». Temps partiel choisi, semaine de quatre jours, télétravail, « tant que le boulot est fait et qu’il y a quelqu’un pour ouvrir et fermer l’entreprise, les salariés gèrent leur emploi du temps en fonction de leur vie privée ». Mère de deux enfants, Clare est convaincue qu’« un parent doit pouvoir avoir des horaires arrangés en fonction de la crèche, de la nounou, de l’école. Sinon, il est stressé, préoccupé, et donc pas efficace. Des salariés qui arrivent zen au travail, pour moi, ça vaut de l’or ! »
Accent british
Sokhna, responsable qualité et développement durable, confirme. Ce matin-là, elle a dû conduire son fils chez le médecin et est arrivée en retard. « Je rattraperai mes heures dans la semaine, sans stress. C’est la bonne formule pour ne pas avoir à choisir entre son travail et ses enfants. Et puis comme ça, comme on arrive ici sereins, on est à 100 % dans le travail. »
Keith, l’un des trois hommes d’ILO, « bénéficie aussi de la politique d’égalité ». Cet Anglais occupe un poste administratif et a choisi depuis deux ans de passer à mi-temps pour élever son fils et développer un projet personnel. « J’ai trouvé le bon équilibre entre ma vie privée et ma vie professionnelle », dit-il, avec un charmant accent british. Mais si l’égalité est là – « Le seul plafond de verre dans cette entreprise est lié au fait qu’il ne peut y avoir qu’un seul patron », explique Clare Hart –, on est encore loin de la parité. Keith apprécierait d’ailleurs un peu plus de testostérone dans les bureaux. « Ne travailler qu’avec des femmes n’est pas une souffrance, mais c’est vrai qu’elles parlent beaucoup », glisse-t-il. Ce qui peut avoir du bon : jusqu’à récemment, l’équipe d’ILO avait fêté mariages et naissances. Mais les premières séparations ont eu lieu, et ça s’est su. « Je me suis alors posé cette question : en tant que cheffe d’entreprise, dois-je considérer que ce n’est pas mon problème ? Ou est-ce que je dois aider ces personnes à mieux vivre ces instants de vie ? », explique Clare Hart, selon qui « on ne peut pas laisser ses problèmes à la porte de l’entreprise, sinon, on n’est pas efficace ». Alors, à un salarié qui s’est retrouvé, après une rupture, sans moyen de locomotion, la patronne a prêté – avec l’accord de toute l’équipe – une voiture de fonction. « On est ici pour travailler, mais tout le monde est conscient qu’on n’est pas des machines et qu’il faut être solidaires. » Mais la dirigeante, aussi bienveillante soit-elle, y trouve son intérêt : « Ne croyez pas que c’est le monde des Bisounours. Quand un salarié se sent soutenu en période difficile, il en est très reconnaissant envers l’entreprise. De la sorte, il n’y a pas de turn-over. Et comme cette politique sociale se sait dans le milieu, je reçois les meilleurs CV ! » L’égalité, c’est aussi ça : du gagnant-gagnant ! —
Je suis la femme de ma vie
Au bureau, la femme française n’est toujours pas l’égale de l’homme. Puisque les femmes consacrent plus de temps – cinq heures par jour – aux tâches domestiques et aux enfants que les hommes, elles travaillent plus souvent à temps partiel (31 % d’entre elles, contre 7 % des hommes). Pour le même travail, elles gagnent toujours 20 % de moins que leurs collègues masculins. Seuls 28 % des postes à responsabilité sont occupés par des femmes, etc. Syndicats et patronat ont signé à l’unanimité en 2004 un accord relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Un vœu pieux pour l’instant. Les entreprises passeront-elles enfin à l’action un jour ?