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Drame de Toulouse : ce n’était pas un fait divers
lundi, 26 mars 2012
/ Paul Quilès / Ancien ministre de l’Urbanisme, de la Défense, des Postes, des Télécommunications et de l’Espace, puis de l’Intérieur et de la Sécurité Publique sous plusieurs gouvernements de gauche, Paul Quilès est ingénieur de formation. Actuellement maire de Cordes-sur-Ciel (Tarn), il anime le club Gauche Avenir. |
La tuerie de Toulouse a donné lieu à des dérives de la part des responsables politiques et des médias. L’ancien ministre socialiste Paul Quilès appelle à la modération pour traiter sereinement les questions que soulèvent ces événements.
Il fait beau, la France passe à l’heure d’été, le plan écarlate est levé après la fin de la traque du tueur de Toulouse et Montauban. La campagne présidentielle reprend… Bientôt, le drame qui a bouleversé le pays pendant une semaine et endeuillé tant de familles pourrait être ramené à un fait divers tragique, s’il ne suscitait pas une réflexion en profondeur sur l’état de notre société, sur son fonctionnement et sur les graves problèmes qui la traversent.
Certes, l’ambiance électorale, avec ses excès et ses caricatures, ne facilite pas la tâche. Nombreux sont ceux, aussi bien dans la sphère politique que dans le monde médiatique, qui n’ont pas résisté à la tentation d’utiliser l’événement à des fins politiciennes. Et l’on a tout mélangé, le terrorisme, l’islamisme, le communautarisme… en oubliant (ou en évitant) d’analyser les raisons qui ont conduit un jeune à devenir un psychopathe fanatique.
Vu sous cet angle, le drame constitue une sorte de révélateur de plusieurs grands débats que notre société n’a pas été capable jusqu’ici de traiter sereinement : les sources de la violence, la sécurité des Français, la religion et la laïcité. Je n’aurai pas la prétention de les aborder ici en quelques lignes, mais je souhaite qu’une fois passée la période électorale, le nouveau président de la République sache créer le climat propice à ce que ces questions soient abordées à l’écart des anathèmes, des simplifications outrancières et des coups à vocation médiatique, assénés chaque fois que l’émotion et la peur prennent le dessus sur la raison.
S’agissant de l’intervention policière et des polémiques qui ont suivi, je pense disposer, de par mes responsabilités passées, de certaines connaissances me permettant de formuler un avis, mais je ne le ferai pas. Je ne mêlerai pas ma voix à celles des commentateurs, experts auto-proclamés ou anciens fonctionnaires ayant eu à connaître ce domaine, qui n’ont pas hésité à parler de façon imprudente. J’ai du respect pour ceux qui risquent leur vie et qui exercent leur mission périlleuse dans des conditions difficiles et parfois extrêmes. Je sais l’angoisse des responsables qui doivent prendre des décisions fortes dans l’urgence, en étant conscients qu’ils peuvent se tromper.
Il faut sortir du climat dans lequel nous avons baigné pendant plusieurs jours, avec cette déferlante d’informations, parfois non vérifiées, de commentaires exaltés et dévidés en continu, sans la moindre retenue. J’ai suivi dans le détail les reportages qui ont rendu compte des événements relatifs à cette abominable série de tueries et j’ai trouvé insupportable l’incapacité de certains médias et de plusieurs responsables politiques à se taire ou, au moins, à modérer leurs propos. Dans la débauche des récits médiatiques, j’ai noté par exemple une propension incroyable des commentateurs à parler sans savoir, à faire des hypothèses gratuites et en tirer des leçons, à accuser sans preuves.
Je suis certain de ne pas être seul à juger durement cette pénible séquence politico-médiatique, qui s’est ajoutée à la profonde tristesse que nous avons tous ressentie. La décence à l’égard des victimes et des familles aurait dû imposer un devoir de modération. Cela s’appelle tout simplement le respect. Un mot à méditer dans une société où le souci exacerbé de la transparence et de l’instantanéité conduit trop souvent à des excès très regrettables.
Ce billet a initialement été publié sur le blog de Paul Quilès le 24 mars 2012.