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Où peut-on encore grimper l’échelle sociale ?
vendredi, 9 mars 2012
/ Thibaut Schepman / Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir. |
Un économiste américain a réalisé un graphique montrant que la mobilité sociale risque de décroître aux États-Unis. En sortant la calculette, on peut étendre cette crainte à de nombreux autres pays, dont la France.
Le rêve américain du « self-made man » vient de s’effondrer. Abattu en plein vol par un simple graphique. Son nom : « The Great Gatsby curve » (la courbe de Gatsby le magnifique). Alan Krueger, président du Council of Economic Advisers - un groupe de trois économistes chargés de conseiller le président des Etats-Unis - l’a baptisé ainsi lors de sa présentation en février dernier, en référence au roman de Francis Scott Fitzgerald dénonçant le train de vie luxueux de la bourgeoisie américaine des années 20. Tout un programme.
L’idée est simple : il s’agit de croiser sur un graphique les inégalités de revenus et la mobilité sociale entre les générations dans un même pays, afin de mesurer la capacité d’un individu pauvre d’y faire un jour fortune.
Voici donc ce graphique élargi à d’autres pays :
En abscisse (l’axe des x, horizontal) figure le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus d’une société. Plus le coefficient d’un pays est proche de 1, plus ce pays est situé à droite du graphique, et plus il est inégalitaire.
En ordonnée (l’axe des y, vertical), on trouve l’IGE (Élasticité inter-générationnelle des revenus), qui mesure la transmission des inégalités de revenus d’une génération à la suivante. Un indice IGE de 0,5 signifie que pour chaque augmentation de 1% du revenu du père, le revenu de ses fils augmente en moyenne de 0,5%. Plus l’indice du pays est élevé, plus ce pays se situe en haut de l’axe des ordonnées, et plus les revenus d’une personne seront semblables à ceux de ses parents dans ce pays.
Passez votre souris sur les pays pour connaître leur coefficient de Gini et leur IGE.
Mieux vaut donc se situer en bas à gauche de ce graphique qu’en haut à droite. Nous avons réparti les États entre trois groupes, selon leur position sur cette courbe. Les sociétés où l’échelle sociale fonctionne le mieux sont dans le groupe 1 (en jaune clair sur la carte), celles où l’échelle sociale est la plus difficile à grimper sont dans le groupe 3 (en rouge sur la carte) et les sociétés aux résultats moyens sont dans le groupe 2 (en orange sur la carte) :
A ce petit jeu, on constate que les pays du Nord de l’Europe font très fort, beaucoup mieux que la Chine ou le Brésil. Parmi les pays dits développés, deux pays notamment font pâle figure : l’Italie et les États-Unis, qui frôlent l’entrée dans le groupe 3. La France, elle, est bien en place dans le ventre mou du classement des pays développés.
Cliquez sur Gini et IGE pour comparer les résultats de chaque pays.
On peut donc conclure, suggère Krueger, que toute augmentation des inégalités de revenus entraine une baisse de la mobilité sociale (l’IGE). Cette intuition - non vérifiable puisque l’on ne dispose pas de données historiques sur l’IGE - a donné lieu à une sévère polémique entre économistes aux États-Unis comme le résume le blog américain Freakonomics. Car dans ce pays, comme le résume l’économiste Miles Corak spécialiste de la question : « Les inégalités ne sont pas un problème ... tant qu’elles ne limitent pas les opportunités. » Or, même si cette courbe ne suffit pas à prédire l’avenir, la démonstration de Krueger tend à montrer que le niveau d’inégalité atteints devient un frein pour la mobilité sociale.
Vous pouvez suivre l’évolution des inégalités dans un pays en cochant la case correspondante dans la colonne « Sélection » en bas à droite. Pour plus de clarté, nous vous conseillons de choisir des couleurs différentes dans la case « couleur ». Vous pouvez également choisir un affichage par classement en diagramme ou par courbe sur l’onglet situé en haut de l’infographie. Vous pouvez également modifier la vitesse de lecture de l’infographie grâce au curseur situé à droite du bouton de lecture
Notez toutefois que le coefficient de Gini varie beaucoup selon les régions, les villes, et même les quartiers. Vous trouverez dans le document ci-dessous le coefficient de l’ensemble des zones d’habitation de France, selon l’Insee. De quoi vous amuser à constater les inégalités de revenus chez votre père, votre cousine ou votre meilleure amie.
Cette seconde affirmation est largement confirmée par les données disponibles. La Paris School of economics a justement réuni les travaux des économistes des inégalités (dont les français Emmanuel Saez et Thomas Piketty) sur le sujet en un seul graphique, que nous reproduisons ci-dessous.
- On peut y lire le part des revenus nationaux détenus par les 1% les plus riches aux Etats-Unis (en jaune), en Australie (rouge), en France (vert) et au Japon (en bleu).
Celui-ci corrobore parfaitement cette théorie, puisque les revenus des 1% les plus riches ont beaucoup augmenté par rapport aux revenus du reste de la population depuis la fin des années 80 aux Etats-Unis. La France a vu le même phénomène se produire, dans une moindre mesure. Mais l’Insee note une accélération du phénomène dans les années 2000. Ainsi, les 1% des Français aux plus hauts revenus ont vu leurs revenus croître de 9,6% entre 2004 et 2008, contre 2% seulement de hausse pour le reste de la population. Pour le dernier millime de revenus (0,1% les plus riches), ce taux est de 18,9%, et il dépasse même les 32% pour le dernier dix-millime (0,01% des Français). Et là, pas besoin d’être devin pour constater que ces niveaux d’augmentation de revenus sont inatteignables pour Monsieur Tout le Monde.
Merci à Jean Abbiateci pour ses conseils dans la réalisation de cet article.
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