Lolo, Dodo et Ségo sont dans un bateau

Mardi soir débutait une série de télé-réalité inédite en France : les trois candidats à la candidature du PS entamaient un match en six rounds (dont trois télévisés), ayant pour objet d’éclairer les militants du PS, avant qu’ils ne fassent leur choix en novembre.

Mais avant ces hostilités (réglées selon un protocole âprement négocié), chacun des candidats a livré, à l’intention des militants, une "profession de foi".

Ces trois textes (longs de 3,5 feuillets pour Fabius, 4,5 pour ses compétiteurs) font la part belle à la langue de bois, à la démonstration de patte rose, à l’énumération de bonnes intentions et de promesses, mais restent néanmoins révélateurs (fut-ce par omission) des intentions, des préoccupations et du style de chacun.

Pour Laurent Fabius, ce qui prédomine, c’est le et la politique. Il s’étend largement sur la tactique et la stratégie électorale (alliance avec les Verts, ancrage à gauche, refus des sondages, critique, sans la nommer de la candidature blairiste et "improvisée" de Ségolène, etc), au détriment des perspectives d’avenir et des projets concrets.

Dominique Strauss-Kahn privilégie l’économique et le social, par culture et, sans doute, par habileté, pour apprivoiser les Jospinistes et ménager une alliance de second tour avec les Fabiusiens.

Quant à Ségolène Royal, elle semble d’ores et déjà se placer dans une autre perspective. Elle embrasse un nombre de sujets et de projets plus nombreux et plus consistants que ses compétiteurs. Elle est la plus complète, la plus précise.

Voici un verbatim thématique des trois candidats.

CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT - Fabius et Ségolène les évoquent. Pas DSK. Trop moche.

- Fabius : parmi les défis à relever : "sauver la planète du réchauffement climatique." Sur les perspectives : "une loi-programme fixant nos objectifs précis pour la protection de l’environnement et la nomination d’un vice-premier ministre chargé du développement durable ; la social-écologie."

- Ségolène : "Ministre de l’Environnement, j’ai agi avec fermeté contre les lobbys (loi sur l’eau et sur les déchets), mené des négociations âpres, notamment au Sommet de la Terre de Rio, et déjà soutenu les énergies renouvelables...". Sur les perspectives : "Pour l’excellence environnementale : je veux faire de la France un pays exemplaire en Europe et dans le monde dans la lutte contre le réchauffement de la planète, la gestion de l’eau, la priorité aux énergies renouvelables, le développement des transports propres, le traitement des déchets et la mise en place d’une véritable fiscalité écologique."

CRISE ENERGETIQUE -

- Fabius : pas un mot

- DSK : "La révolution énergétique de l’après-pétrole et la révolution démographique du vieillissement sont devant nous. Elles vont modifier nos systèmes de production et bouleverser nos modes de vie. Nous ne devons pas subir ces changements. Nous devons les anticiper pour les maîtriser."

- Ségolène : "priorité aux énergies renouvelables".

FEMME ET FAMILLE - Seule Ségolène en parle.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION - Seul DSK l’évoque (voir plus haut, crise énergétique). Fabius propose "la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale face à la dépendance des personnes âgées et des handicapés".

MONDIALISATION ET POLITIQUE ETRANGERE

- Fabius : parmi les défis à relever "la mondialisation à maîtriser".

- Ségolène : "Dans un monde instable où le terrorisme et le risque de dissémination nucléaire menacent la paix, alors que les peuples aspirent à la justice et à la dignité, la France doit renforcer son rôle. Aider les pays pauvres à vaincre la misère en les traitant comme des partenaires égaux et en conduisant avec eux un co-développement efficace : cette utopie concrète est à notre portée et la France doit en donner l’exemple, pour construire ainsi, également, une politique d’immigration partagée."

- DSK : "La mondialisation, avec l’arrivée de trois milliards de travailleurs supplémentaires, vient modifier durablement le rapport de force entre le travail et le capital." Puis, "Etre internationaliste, c’est porter une vision généreuse, ouverte, humaniste de la France ; c’est assumer notre responsabilité vis-à-vis de femmes et d’hommes qui n’habitent pas sur notre sol ; c’est défendre une autre politique étrangère ; c’est relancer l’aide au développement notamment en diffusant les médicaments génériques contre le SIDA."

EUROPE -

- Fabius : Parmi les défis à relever : "L’Europe à relancer et à réorienter". Sur les perspectives : "le refus de tout nouvel élargissement de l’Europe avant l’approbation d’un traité social et l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution respectant le vote des français."

- Ségolène : "Quels qu’aient été nos votes lors du referendum de l’an dernier, nous voulons une Europe plus concrète, plus protectrice, et donc moins libérale : une fiscalité écologique, un vrai gouvernement économique qui ne soit plus soumis à la Banque centrale européenne, une régionalisation de la PAC, une réforme du Pacte de stabilité."

- DSK : "Être européen, c’est vouloir relancer l’Europe politique et sociale. Le référendum nous a divisés. Mais je ne veux pas mettre mon engagement de toujours dans ma poche : on ne réconciliera pas le "oui" et le "non" par un silence pudique, mais par une action résolue. Ce sera la mission du Président de la République qui, dès son élection, partira défendre notre projet au Conseil européen présidé par nos partenaires allemands."

REMUNERATION DU TRAVAIL ET DU CAPITAL -

- Fabius évoque "le pouvoir d’achat" en reprenant sa proposition d’augmentation du Smic.

- Ségolène : "les socialistes doivent moins taxer le travail que le capital. Pourquoi, sinon, se proclamer socialistes ?"

- DSK évoque la lutte contre les inégalités, "c’est améliorer la redistribution, notamment fiscale", sans évoquer de mesure précises.

INSTITUTIONS

- Fabius : "un référendum dès septembre 2007 pour l’établissement d’une République parlementaire nouvelle, avec une démocratie sociale et territoriale étendue".

- Ségolène : "Pour assurer le succès de notre projet, nous avons besoin d’une nouvelle République qui s’appuie sur une démocratie représentative rénovée, et la fin du cumul des mandats, sur une démocratie plus participative, et sur une décentralisation aboutie."

- DSK : "Le temps d’un président-monarque est révolu. Oui, le temps d’un président engagé est venu. Une telle évolution impose évidemment de renforcer les contre-pouvoirs.

C’est vrai pour la démocratie sociale. Je propose une nouvelle articulation entre la loi et le contrat, avec des accords majoritaires signés par des syndicats à la représentativité rénovée.

C’est vrai pour la démocratie locale. La gauche a lancé la décentralisation. Une autre étape est nécessaire pour donner aux collectivités des responsabilités nouvelles - et je n’oublie ni les ressources financières, ni la solidarité nationale qui doivent fonder la nouvelle République territoriale.

C’est vrai enfin pour la démocratie politique. Pour aller vers une République parlementaire, pour que le législatif contrôle réellement l’exécutif, il ne manque pas seulement au Parlement des pouvoirs, il lui manque trop souvent aussi des parlementaires : l’instauration du mandat unique est, pour moi, la mère de toutes les réformes."

EMPLOI -

- Fabius : "la fin des exonérations inefficaces de cotisations sociales dans les grandes entreprises afin de stimuler les emplois jeunes, l’investissement des PME et la recherche scientifique."

- Ségolène : "Pour l’emploi : seule la gauche est capable de relancer la croissance et la confiance en augmentant le pouvoir d’achat car la justice sociale n’est pas un handicap mais un facteur de compétitivité, en investissant dans la recherche et l’innovation, en choisissant résolument l’excellence environnementale, riche d’activités et de métiers nouveaux."

- DSK : Il donne à la France un objectif de plein-emploi. "Prenons conscience qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’investissement social est un investissement économique. Donner la priorité à l’éducation et à la santé, c’est valoriser le capital humain. Valoriser le capital humain, c’est la condition pour entrer dans l’économie de la connaissance, c’est trouver notre place dans la mondialisation."

POUVOIR D’ACHAT - Demain on rase gratis chez les trois.

Retrouvez le blog de José Ferré : Carnets de nuit

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