La semaine dernière, le premier ministre japonais a mis les pieds dans le plat. Son pays, il le verrait bien sans l’atome. Question : l’archipel peut-il se passer de cette source d’énergie ?
13 juillet. Lors d’une conférence de presse, Naoto Kan, premier ministre japonais, peint un avenir inédit pour l’archipel. Un avenir débarrassé de l’atome. Après Fukushima, « on ne peut plus soutenir que la politique menée jusqu’à présent garantisse la sécurité de l’exploitation de l’énergie nucléaire. Nous devons concevoir une société qui puisse s’en passer. » L’homme est un récidiviste. Depuis la crise de Fukushima, il n’en finit pas d’affirmer son soutien aux énergies renouvelables et l’abandon d’un programme qui prévoit la construction de quatorze nouveaux réacteurs nucléaires d’ici à 2030.
Bronca médiatique
Mais le Japon peut-il se passer du nucléaire ? Non, assurent quelques médias :
« brandir une pancarte ‘sortir du nucléaire’ au moment où l’on prédit une pénurie de courant est tout simplement irresponsable », s’agace le quotidien de droite
Yomiuri Shimbun.
« Si l’on pense aux conséquences sur la vie des citoyens, [ces] propos sont irréfléchis », appuie
le Nikkei. A l’intérieur même du cabinet, les voix s’élèvent :
« Les pays vont se ruer sur le pétrole et le gaz naturel, a par exemple expliqué Kaoru Yosano, le ministre d’Etat en charge de l’économie et de la politique fiscale
au Yomiuri. Les prix vont grimper et l’inquiétude d’un approvisionnement stable va grandir. Devons-nous vraiment nous mettre dans une telle situation ? (…) Sans énergie nucléaire, notre niveau de vie va décliner. »
Devant la levée de boucliers suscitée par son annonce, le premier ministre a fini par préciser que sa déclaration relevait d’une opinion personnelle, et non d’une position gouvernementale rapporte le Yomiuri Shimbun
90 milliards d’euros d’énergies fossiles
Au-delà de ces tergiversations, la question demeure : l’abandon de l’atome est-il vraiment impossible ? Avant Fukushima, le Japon tirait 30% de son électricité de l’énergie nucléaire et envisageait de gonfler cette part à 53% d’ici à 2030. Et aujourd’hui ? Seuls 19 des 54 réacteurs du Japon sont encore en fonctionnement, les autres ayant été touchés par le séisme ou stoppés pour maintenance. Comment faire ? Recourir aux énergies fossiles ?
« Le pays serait incapable de combler le déficit simplement avec des énergies fossiles » précisent les chercheurs du
Centre japonais pour la recherche économique. Pis, l’opération serait coûteuse.
Pour remplacer rien que la puissance fournie par les centrales de Fukushima Daiichi et de Fukushima Dani, touchées par le séisme, il faudrait compter 10 000 milliards de yens sur 10 ans (90 milliards d’euros). Quant au recours aux énergies fossiles, il pourrait enterrer la promesse du gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25% en 2020. Les énergies renouvelables ? Sauf à considérer l’hydraulique, elles ne pèsent pour le moment que 1% dans le bouquet électrique.
Privés de clim
En attendant, le gouvernement a demandé à ses concitoyens d’être économes, imposant aux grandes entreprises et aux administrations de la région de Tokyo et du Tohoku, au nord-est, de réduire leur consommation de 5 à 15% pendant l’été, en abandonnant notamment la climatisation. Il a demandé aussi aux particuliers de diminuer l’usage des appareils électriques. Pourra-t-on éviter néanmoins que l’économie souffre ? Si 10% d’électricité venait à manquer cet été dans la région du Kanto, largement touchée par le séisme, et si
« l’activité économique de chaque industrie déclinait en proportion de sa dépendance à l’électricité », l’activité globale du Japon pourrait décliner de 4 cet été et de 2% pour l’année entière, estiment les chercheurs du centre japonais pour la recherche économique. Pour le moment, la situation s’apparente à une impasse.