https://www.terraeco.net/spip.php?article15954
Le bilan carbone... d’une banane
mercredi, 23 février 2011 / Mike Berners-Lee /

Directeur du cabinet Small World Consulting spécialisé en bilans carbone, Mike Berners-Lee est l’auteur de « How bad are bananas ? »

La banane est un aliment extra, si vous vous préoccupez de votre empreinte carbone. Une très bonne valeur énergétique pour seulement 80 grammes de CO2 !

- 80 g de CO2 eq. (1) chacune ou 480 g par kilo (2)

Pour répondre à la question posée dans le titre de mon livre [1], les bananes ne sont pas mauvaises du tout. Elles sont même excellentes ! La preuve, j’en mange une au moment où j’écris ces lignes.

La banane est un aliment extra pour ceux qui se soucient de leur empreinte carbone. Comptez à peine 80 grammes d’équivalent C02 pour une excellente valeur nutritive : 140 calories et une bonne dose de vitamine C, de vitamine B6, de potassium et de fibres. Bref, la banane constitue un élément clé dans une alimentation pauvre en carbone. Ce fruit est bon pour pratiquement tout le monde – les athlètes, les personnes souffrant d’hypertension, ceux qui vont au travail à vélo et cherchent un petit coup de pouce énergétique ou encore les personnes qui veulent atteindre la dose recommandée de cinq fruits et légumes par jour. Il y a trois raisons principales pour lesquelles la banane a une empreinte carbone faible par rapport à son apport nutritif :

- Elle pousse au grand air, pas besoin de serre.
- Elle se conserve bien. Certes, on la cultive à des milliers de kilomètres du consommateur, mais elle voyage par bateau (si elle voyageait par avion son bilan carbone serait 100 fois pire)
- Elle ne requiert quasiment aucun emballage. En effet elle possède déjà une protection naturelle : sa peau (3)

Il s’agit donc d’un produit sain et de bonne qualité qui existe partout sous sa forme équitable. (4)

Je ne voudrais pas vous donner pour autant l’impression que la banane est trop bonne pour être vraie. Elle pose des problèmes environnementaux. Parmi les 300 espèces existantes, nous consommons presque exclusivement une seule variété : la « Cavendish » clonée. Le développement de cette monoculture adoptée dans une logique de maximisation du rendement et de minimisation des coûts a été critiqué pour la dégradation des sols qu’elle entraîne et l’emploi abusif de pesticides et de fongicides. Et même si le rendement nutritif par hectare est largement plus élevé avec la culture de banane qu’avec l’élevage de bovins, il existe encore des pays où l’on détruit des forêts pour planter des bananes. (5)

Au final cependant, les seules bananes vraiment mauvaises sont celles que vous laissez pourrir dans votre panier à fruit. Elles viennent s’ajouter aux 30% de nourriture gaspillée par les consommateurs du Royaume-Uni et de bien d’autres pays. Si vous vous retrouvez avec des bananes trop mûres, sachez qu’elles sont excellentes dans un gâteau ou dans des « smoothies ». Si j’en crois un lointain souvenir d’enfance, elles sont également succulentes avec de la crème anglaise.

(1) Comme la fabrication d’un objet ou la pratique d’une activité peut entraîner l’émission de plusieurs gaz à effet de serre à la fois, et chacun dans des quantités différentes, le bilan carbone, s’il est calculé en détails, peut devenir vite très complexe. L’usage veut ainsi que l’on exprime le bilan carbone en équivalent carbone ou CO2 eq.. L’impact total sur le changement climatique de tous les gaz à effet de serre est alors transformé et exprimé en quantité de dioxyde de carbone. Pour en savoir plus sur le bilan carbone, cliquez ici

(2) Pour calculer l’empreinte carbone à la sortie de l’exploitation, je me suis basé sur un article de Wallen A. Brant N. & Wennerten R. (2004). « Les choix alimentaires du consommateur suédois influencent-ils l’effet de serre ? », Envir Sci Policy 7, 525-535. Pour compléter mon calcul, j’ai utilisé le bilan carbone de la chaîne de supermarchés Booths, calculé par ma compagnie, Small World Consulting.

(3) J’ai acheté un régime de bananes dans un sac en plastique qui pesait 4 grammes. Celui-ci vise à empêcher les clients d’abîmer les fruits, lorsqu’ils essayent de les dissocier. Un tel sac semble être nécessaire tant que nous n’aurons pas appris à manipuler ces fruits avec plus de précaution.

(4) Le site internet d’Oxfam Cool Planet propose une illustration simple (et compréhensible pour les enfants) de la façon dont les bananes sont cultivées équitablement dans les îles Windward (Antilles), le tout accompagné de quelques recettes.

(5) On peut trouver plus d’informations sur le site Banana Link « Vers un marché de la banane juste et durable ». Pour une vision critique et pessimiste sur l’avenir de la banane, voir aussi Dan Koeppel (2008) « Yes, we will have no bananas », New York Times (18 Juin), . La chaîne de supermarchés Waitrose a commandé une analyse du cycle de vie d’une de leur chaînes d’approvisionnement auprès de l’université de Bangor (Pays de Galles). Elle devrait, je suppose, être publié fin 2010. Cette analyse prend en compte, semble-t-il, les problèmes de déforestation et devrait être très intéressante.

Cet article, tiré du livre « How bad are bananas ? The carbon footprint of everything », de Mike Berners-Lee (éd. Profile Books, 2010), est traduit et republié avec l’autorisation de l’auteur.

Traduit par Lucie et Ray Langford ainsi que Patrick Swartenbroekx, « lecteurs responsables » de Terra eco ayant répondu positivement – et nous les remercions – à notre appel. Si vous voulez les rejoindre :
cliquez ici et remplissez le formulaire de contact qui s’affichera
ou écrivez à agir [at] terraeco.net

A lire et à voir aussi sur Terra eco

- Bananes : batailles autour de l’or jaune
- De la Martinique au supermarché : voyage avec la banane
- Les apprentis z’écolos et la banane