Par François Gemenne, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), et il enseigne également la géopolitique du changement climatique et la gouvernance internationale des migrations à Sciences Po Paris.
On aurait volontiers tendance à voir, ces temps-ci, l’impact du changement climatique dans la plupart des catastrophes naturelles. Il est établi que l’un des effets du changement climatique sera l’augmentation du nombre et de l’intensité de celles-ci. Pour autant, il reste impossible, à l’heure actuelle, d’attribuer avec certitude au réchauffement global la cause d’une catastrophe en particulier. Il existe néanmoins des catastrophes dont l’origine – en tout cas dans l’état actuel de la science – ne saurait être imputable au changement climatique : c’est le cas, notamment, des tremblements de terre, comme ceux qui ont ravagé récemment le Chili et Haïti.
En sus des victimes et des dégâts matériels qu’ils ont causés, les deux tremblements de terre auront provoqué le déplacement d’un peu plus de trois millions de personnes (deux millions au Chili, un million en Haïti). Ce chiffre est considérable : à titre de comparaison, le nombre total de réfugiés politiques dans le monde est estimé à un peu plus de 16 millions, celui des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays à cause de guerres ou de troubles politiques à 25 millions environ.
Le débat sur les ‘réfugiés environnementaux’, pourtant, se réduit souvent aux déplacements de population provoqués par les impacts du changement climatique. Et, logiquement, les solutions préconisées pour protéger et encadrer ces migrants trouvent leur place dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Il est indéniable que le changement climatique induira, et induit déjà, de nombreux flux migratoires. De même qu’il est indéniable que l’intérêt accru pour cette question, dans les sphères médiatiques et politiques, tient beaucoup à la réalisation de l’impact humain du réchauffement global. Pour autant, la question des ‘réfugiés environnementaux’ ne saurait être réduite, comme c’est souvent le cas actuellement, à une conséquence humanitaire du seul changement climatique.
Les dégradations de l’environnement qui provoquent aujourd’hui les déplacements de populations les plus importants restent les catastrophes naturelles – et pour ceux qui sont déplacés, peu importe que la catastrophe trouve ou non son origine dans les effets du réchauffement global. Il est donc essentiel que les discussions sur les mécanismes d’assistance, de protection et d’encadrement de ces déplacements entrent de plain pied dans le débat sur la gouvernance mondiale des migrations, et sortent du cadre étroit du changement climatique dans lequel elles sont généralement confinées. Toute solution qui serait fondée sur une distinction entre les ‘réfugiés climatiques’ et les autres serait impraticable sur le terrain, créerait une artificielle discrimination, et passerait à côté d’une dimension essentielle de la question. C’est également cela que les catastrophes chilienne et haïtienne nous ont douloureusement rappelé.
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