Traduire dans les faits le "i" du RMI (Revenu minimum d’insertion) : depuis sa création en 1988, les gouvernements de tous bords s’y sont cassé les dents. Une étude récente ne laisse guère de doute sur le sujet. Décembre 2001. 5000 RMIstes et autres bénéficiaires des minima sociaux se prêtent au jeu des questions réponses de la Drees, le service statistique du ministère de la santé. A nouveau interrogés deux ans plus tard, la moitié d’entre eux continuaient de pointer tous les mois à leur caisse d’allocations familiales. Un tiers des titulaires du RMI interviewés affirment même ne plus du tout rechercher d’emploi. Autre chiffre accablant : en seize ans, le nombre de RMIstes est passé de 400000 à 1100000.
La différence, c’est le salaire
Fataliste, François Mitterrand disait en son temps qu’en matière de lutte contre le chômage, "on avait tout essayé". Pour faire mentir l’ancien président, François Fillon, ministre du Travail entre 2002 et mars 2004, sort de son chapeau le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité (RMA), inscrit dans une loi adoptée le 18 décembre 2003. Objectif : remettre en selle les RMIstes en les incitant à accepter un emploi subventionné dans le secteur marchand. D’une durée maximale de 20 heures hebdomadaires payées au Smic horaire (soit 662, 07 euros brut), le RMA est financé par le département, qui verse une contribution égale au montant du RMI. A laquelle s’ajoute un "salaire différentiel" à la charge de l’employeur.
Sortez vos calculettes
Problème : les cotisations chômage et retraite sont prélevées uniquement sur la part patronale du RMA. Dur à avaler pour les associations d’insertion, qui dénoncent un effet d’aubaine pour les entreprises, au détriment des principaux intéressés.
"Nous ne pouvions accepter qu’on prive ceux qui en ont le plus besoin des droits à la retraite et à l’assurance chômage", explique Anne Poulain, de la mission emploi de la FNARS (fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale).
"La décision du gouvernement d’exclure les signataires du contrat d’insertion-RMA de ces droits répondait à des impératifs purement comptables", regrette Claude Alphandéry, président du Conseil national de l’insertion par l’activité économique.
Un Smic de RMiste
On voit mal dans ces conditions comment le RMA, qui n’est jamais qu’un CDD de six mois à temps partiel - renouvelable deux fois - pourrait séduire les RMIstes. D’autant que
"20 heures au Smic, cela ne fait guère plus qu’un RMI familial (NDLR : 626,82 euros)", fait remarquer Claude Alphandéry. Autre inconnue de taille : la manière dont les départements vont gérer le RMA. Jusqu’à la publication en mars des décrets d’application de la loi du 18 décembre 2003, le RMI était co-piloté par l’Etat et les conseils généraux. Ces derniers sont désormais seuls maîtres à bord. Le hic pour le gouvernement c’est qu’aux dernières élections cantonales, une majorité d’exécutifs départementaux ont basculé à gauche. Très critique sur le RMA, la fédération des élus socialistes et républicains a menacé à plusieurs reprises de le boycotter... En cause notamment, la question du financement.
"Un certain nombre de départements ne pourront faire face à leurs obligations nouvelles si la décentralisation ne s’accompagne pas de péréquations importantes", souligne une étude de l’ODAS (observatoire national de l’action sociale décentralisée).
Téléscopage
A moins que... A moins que le RMA
made in Fillon soit rapidement relégué au rayon souvenirs. Primo, le nouveau ministre du Travail, Jean-Louis Borloo, a promis de rétablir les droits sociaux des signataires de RMA. Deusio : dans le cadre de son plan de cohésion sociale présenté le 30 juin, il a annoncé la création d’un contrat d’activité dans le secteur non marchand...à destination des RMIstes et des chômeurs de longue durée.
"On peut s’interroger sur la pertinence d’une mise en œuvre simultanée de deux dispositifs très proches", soupire une responsable associative. Cohésion et Cohérence sont sur un bateau...
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