« La biodiversité est la résultante de plus de 3 milliards d’années d’évolution. Tout est à la fois au point, tout en étant perpétuellement en train de s’adapter. Ainsi, la biodiversité constitue le “ moteur ” du Vivant. Elle est porteuse du potentiel évolutif qui garantit la capacité d’adaptation des espèces et des écosystèmes face aux changements. Depuis des dizaines d’années, la disparition de nombreuses espèces s’effectue à une vitesse très largement supérieure à ce qu’elle fut lors des 5 grandes extinctions majeures répertoriées. Nous sommes actuellement dans une 6e extinction. Nous, c’est-à-dire notre espèce, sommes concernés. Notre espèce étant tributaire d’autres pour se nourrir, se vêtir, se soigner, l’élimination de ces ressources amoindrit nos possibilités. Nous bénéficions des services du vivant, par exemple de la pollinisation des fleurs par les insectes, ce qui nous donne des fruits. Mais les insectes pollinisateurs meurent… Aujourd’hui, la biodiversité est en crise du fait de l’homme. Alerte !
Une trame verte et bleue
L’Homo sapiens ne s’est pas encore imposé de limites et l’impact de ses activités pourrait amener à un désastre. Souvenons-nous que nous avons su créer de la biodiversité depuis le néolithique. Nous avons donné naissance à des milliers de variétés d’espèces domestiquées, agricoles. Mais nous les perdons et nous éliminons aussi les espèces sauvages. Pour redresser la barre, nous aurons besoin d’outils législatifs, d’une fiscalité adéquate. Les regards se tournent ainsi vers les élus, qui sont en capacité de changer les orientations de consommation par des textes récompensant les conduites vertueuses et taxant les autres. Les administrations ont, elles aussi, à s’activer. Les industriels et les agriculteurs à verdir en profondeur leurs activités. Et les consommateurs à examiner les nouvelles étiquettes porteuses d’indications précieuses. Les îlots de nature protégés, telles les réserves naturelles, sont désormais insuffisants. Ces “ réservoirs ” ont leur utilité, mais il faut davantage d’ambition pour inverser la tendance actuelle qui est à la réduction des surfaces naturelles, à l’augmentation de la pollution, à la surexploitation des ressources, et donc à la mise en péril du Vivant. La nécessité de relier les milieux et de permettre aux espèces de se déplacer impose de penser “ réseaux et continuités écologiques ”.C’est l’objectif du projet de Trame verte et bleue (TVB) que défend la Ligue ROC que je préside. Cette TVB doit être la résultante de multiples (re)constitutions, de continuités fines. On parle de la trame des Landes, de la trame littorale, de celle des vieilles forêts et bocages, de la trame des milieux agricoles extensifs, de la trame des cours d’eau et milieux associés… Quand une tourbière disparaît sous un parking ou une pelouse sèche sous un lotissement, c’est pour toujours ! Pour que cette ambition réussisse, il convient de mobiliser tous les acteurs, les élus, les agriculteurs, les forestiers, les entreprises mais aussi les populations locales. C’est d’autant plus vrai dans un pays comme le nôtre où les dynamiques naturelles sont liées aux dynamiques de la société. » —
HUBERT REEVES EN 5 DATES
1932 : Naissance à Montréal (Canada)1960 : Doctorat en astrophysique atomique et conseiller scientifique à la Nasa
1965 : Directeur de recherches au CNRS
1981 : Publication de Patience dans l’azur, avec le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond, un ouvrage de vulgarisation scientifique qui rencontre un immense succès
2001 : Préside la Ligue ROC dont l’un des objectifs est la préservation de la faune sauvage.
Photo : DR
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