Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark

François Gemenne est chercheur en sciences politiques.

Depuis quelques jours, une pluie de critiques s’abat - à juste titre - sur la présidence danoise de la conférence. C’est d’abord la gestion politique de la conférence qui est critiquée. En particulier, il est reproché aux Danois d’avoir cherché à bousculer le processus onusien, et de tenter d’imposer leur propre texte, au mépris des travaux conduits depuis deux ans au sein de l’AWG-LCA. Ceci est un péché d’orgueil : la présidence danoise tenait à revendiquer la paternité du texte qui sortirait de la conférence, quitte à ce que cette revendication hypothèque le succès même de la conférence. A ce titre, si la conférence est un échec, les Danois en porteront une lourde responsabilité.

On reproche également à la présidence danoise, et à Connie Hedegaard en particulier, son inexpérience et son entêtement. La critique, même si elle peut être justifiée, ne suffit guère à expliquer la manière désastreuse dont a été gérée la conférence, particulièrement quand elle entrait dans sa phase critique. C’est en tout cas un échec personnel pour Connie Hedegaard, qui pourrait avoir des conséquences importantes pour la suite de sa carrière : je suis prêt à parier que ses auditions de confirmation comme Commissaire européenne au climat, le mois prochain au Parlement européen, ne se dérouleront pas sans accroc.

Enfin, la gestion logistique de la conférence est également mise en cause : files d’attente interminables pour l’obtention des accréditations, brutalités policières, exclusion des ONGs, délégués bloqués par la sécurité... la liste est longue. Je n’ai pas suffisamment d’expérience des COPs pour affirmer, comme on l’entend beaucoup, que c’est ’la pire conférence qui ait jamais été organisée’. Je me souviens juste que l’on avait beaucoup mis en cause la désorganisation de la COP12 de Nairobi, mais cela n’atteignait pas le niveau observé ici. Le gouvernement danois et l’UNFCCC auront beau jeu de se rejeter mutuellement la responsabilité de ces dysfonctionnements, le mal est fait.

Tout ceci pose la question importante, mais pourtant jamais abordée, du choix du pays-hôte de la conférence. Le rôle du pays-hôte ne se limite pas à fournir le centre de conférences : c’est lui qui assure la présidence de la conférence, mène les débats, et propose certains compromis. Alors que pour d’autres événements importants, y compris des conférences académiques, le choix du pays-hôte est soumis à un strict processus de sélection, avec dossiers de candidature, le choix du pays-hôte est particulièrement peu transparent pour les conférences sur le climat. Le Danemark a surtout été choisi pour des raisons qui tenaient à l’ambition politique des organisateurs, au mépris de la règle tacite de rotation géographique entre les 5 continents. Au risque d’aborder un sujet tabou, on peut légitimement se demander si le Danemark était le meilleur choix possible comme pays-hôte. Comme on peut se demander s’il était bien raisonnable de mettre le sort de la planète entre les mains d’un gouvernement aussi conservateur. Mais là, on touche sans doute à un sujet plus tabou encore.