Au milieu de la cour, un feu rougeoie dans le froid du matin, glacé par une pluie fine. Le foyer est voué à s’éteindre lorsque s’achèveront les négociations. Tandis que ses cendres rejoindront les terres indigènes. A quelques encablures du Bella Center, où se tient le sommet international sur le climat, Christiania ouvre tentes et chapiteaux aux altermondialistes de tout poil. Environnementalistes, décroissants, punks se croisent autour d’un café chaud ou dans la fumée d’un joint. Planté au coeur de la capitale danoise, le quartier est, depuis les années 70, le repaire des dealers, des squatteurs et des hippies. C’est là que se tient le Climate Bottom meeting. Là qu’experts ou responsables d’association viennent disséquer le principe des éco-villages. Là encore que des communautés indigènes racontent leur vie quotidienne, dans l’espoir d’inspirer un potentiel retour aux sources. Dans l’ombre des tentes, éclairées aux lumières intimistes, on parle spiritualité et méditation. Un peu trop au goût de Jet, venue d’Amsterdam en voiture pour servir son combat pour l’environnement. Devant la tente, cigarettes au bec et café en main, deux militants de Belgique défendent au contraire ce contre-sommet. “Un vrai de vrai”, assure l’homme, barbe de trois jours au menton. Bien plus que le Klimaforum qui tient séance près de la gare centrale. “Il y a des tonnes de magazine à l’entrée. Quand on les a ouvert, on a trouvé des pubs pour de grandes multinationales. On a pris la pile et on a tout jeté”, raconte fièrement ce militant belge.
Système D
Le coeur de ce forum, c’est avant tout la défense d’un mode de vie. Dans les allées, les copeaux de bois craquent sous les pieds. Ceux-là iront rejoindre le foyer d’une chaudière chargée de chauffer le chapiteau central. Un peu plus loin des tipis ouvrent leur toile sur un sol de tapis et la chaleur d’un feu de bois. Là, sous des couvertures, les militants partagent leurs nuits entre sommeil, musique et bavardages. Plus loin, un sauna naturel s’offre aux amateurs tandis qu’une petite hutte propose vêtements et chaussures aux campeurs en mal de confort. Miguel, dreadlocks et bonnet de laine, essaye de glisser ses pieds gelés dans une paire de Nike éculée. Sans succès. "Mes semelles sont trop fines, j’ai froid", explique-t-il dans un français parfait. Le jeune homme, né "entre un désert et une rivière", a croisé Copenhague au détour de sa route. Ex-thésard en physique, il circule autour du monde depuis cinq ans avec quelques compagnons de route, embarqués dans un van. Dans cet univers aux accents multilingues, entre solidarité et activisme, Miguel a trouvé sa place. Comme Benjamin, bonnet vissé sur la tête et sac au dos. Ce Canadien francophone, arrivé de Suède en train est venu “pour participer”, explique-t-il en “brandissant des affiches.” Il loge dans un squat non loin de là.Des bataillons de cuisiniers
Dans cet univers dépourvu de hiérarchie, les règles existent néanmoins. Ici on ne court pas dans les allées, on ne crie pas, on ne prend pas de photos non plus comme le précisent d’immenses signes peints sur les murs. Des règles, il y en a. Une organisation aussi. Au climate bottom de Christiania, on se réunit chaque matin pour dérouler le programme du jour et attribuer les tâches. Parmi elle, la cuisine. C’est la mission de Rampenplan, une organisation hollandaise rodée à nourrir des bataillons d’activistes engagés sur tous les fronts. Chaque matin, ses troupes s’attèlent à couper oignons et carottes, préparer sauces et soupes dans d’énormes gamelles perchés sur de grands feux. Au stand du déjeuner ce jour-là : une soupe de légumes épicés, croutons à l’ail, pain et humus. Un repas gratuit même si les dons sont largement encouragés. "Nous avons fait venir un camion d’Amsterdam pour acheminer les pates, la farine, le sucre... Les légumes et les fruits frais viennent d’ici. Tout est bio et végétarien", confie Jet, la militante hollandaise. Rampenplan tient un autre stand de nourriture au Klimaforum de la gare. Et s’apprête à lancer une nuée de bénévoles sur des vélos équipés de petites carrioles pour acheminer la nourriture vers les lieux stratégiques de la ville. "Aujourd’hui nous nourrissons environ 500 personnes mais ce week-end on risque de monter à 4000", assure Jet. Plusieurs milliers de personnes sont attendus samedi pour une manifestation massive dans les rues de la ville. Les tentes de Christiania en bruissent d’impatience.A lire aussi dans Terra eco :
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