Qui a dit : “On n’a qu’une vie, on n’a qu’une retraite” ? Le Crédit Mutuel. Qui a revisité le spectre de la Berezina : “Ne faites pas comme Napoléon, préparez-vous une retraite au chaud” ? La Poste. Qui, pour vous, a reformé l’“Horizon” ? La BNP Paribas. Qui vous assure un futur à l’image du persistant “Epicéa” ? La Société Générale. Le tout sans risque, comme sur du “velours” (Crédit Lyonnais), et à la couleur verte de l’espoir (Crédit Agricole).
La pêche aux clients fidèles
Le 22 avril dernier, l’Etat "lançait" le PERP, clone version privée du contrat Préfon des fonctionnaires. En fait, avant même le coup de sifflet, les candidats au départ avaient allègrement franchi la ligne et contracté nombre de réservations. Pourquoi un tel engouement ? L’attrait du PERP est financier, c’est entendu... Surtout pour les banques, qui empochent en frais de souscription 3 à 5% des versements. Il est aussi stratégique puisque le contrat porte la garantie d’une fidélisation.
En effet, le capital engagé est bloqué, sauf cas exceptionnels - invalidité, expiration des allocations d’assurance-chômage, liquidation judiciaire -, jusqu’au départ en retraite. Ce qui est une contrainte pour beaucoup de particuliers, s’apparente à une aubaine pour les banques. D’autant qu’un client qui souhaiterait transférer son contrat à la concurrence s’expose, dans certains cas, à verser à l’établissement d’origine des frais dissuasifs de l’ordre de 4 à 5 %.
"Vendez par la peur"
Conséquence, pour vendre le PERP, les banques ne lésinent pas sur les moyens, surfant avec ingéniosité sur un air du temps gagné à l’inquiétude. Objectif donc :
"vendre par la peur", comme l’expliquait le manager régional d’une grande banque, à ses ouailles réunies en séminaire. Leurs outils, des logiciels de simulation de retraite, sur Internet ou en agence, jouant le spectacle d’une épargne transformée en peau de chagrin.
“A l’aide du simulateur, on corrige à la baisse le pronostic du client de 20 voire de 30 %. Et puis, on applique la méthode du silence. On laisse un blanc de 5 à 6 secondes”, confie un responsable de vente d’une autre banque.
Carotte
Question : sur quoi repose le calcul dudit logiciel ?
“On ne connaît pas vraiment les données utilisées dans ces simulateurs”, dit une conseillère en patrimoine. Quantix Finances, une entreprise qui fournit le logiciel en question, vante sur son site Internet les mérites de
"projections à long terme économiquement cohérentes car respectant les règles de la croissance économique et les conséquences des évolutions démographiques.” Impossible d’en savoir plus. Du reste, peu importe la recette, tant qu’elle est servie par des agents surmotivés. A ses vendeurs, la BNP Paribas propose ainsi une carotte de 24 euros par lot de trois PERP signés, la somme étant partagée entre les salariés de l’agence.
Prudence
Malgré cet arsenal, rien n’y fait. La ligne de conduite semble s’être brisée quelque part entre le personnel et sa direction. Au guichet des banques, les vendeurs se font moins alarmistes que prévu. Leur mot d’ordre ? Prudence.
“J’insiste toujours sur le fait que l’argent sera bloqué jusqu’à l’âge de la retraite et qu’il ne pourra être redistribué que sous forme de rente. Il s’agit de protéger le client pour garder sa confiance”, explique une conseillère du Crédit Lyonnais. D’autres confient à mi-mot leur doute sur un produit qu’ils jugent trop contraignant et peu démocratique. Car dans ce bon plan qui se dit
"populaire", les versements sont déduits des impôts jusqu’à un plafond très confortable d’environ 23500 euros. Un contrat en forme de cadeau... A la condition que le client soit lourdement taxé.
Pas de trace écrite
Autre contrainte, autre réticence : le mystère qui entoure le contrat.
"Aujourd’hui, malgré les garanties imposées par le gouvernement [obligation de verser un pourcentage croissant des versements sur des fonds à capitaux garantis, ndlr], tout reste encore très flou, dit un vendeur.
Moi, je conseille de ne pas tout mettre sur le PERP." Flou notamment, le taux de rentabilité de l’épargne. Souvent les banques évoquent un pécule équivalent à 5 à 10% du montant de la retraite. Mais dans cette agence d’un grand réseau, si le simulateur-qui-fait-peur a bien été livré, on attend encore celui qui calcule le montant des rentes à venir. Chez une concurrente, on préfère composer avec le vague :
"On ne garde pas de traces écrites, confie un responsable.
Pour éviter que les clients nous reprochent plus tard des prévisions fausses."
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