Une association prétend avoir refusé des fonds du Dakar

Le 15 janvier dernier, le quotidien régional Ouest France publiait une interview de Robert Chiron, le président de l’association de solidarité internationale Bolivia Inti-Sud Soleil intitulée "L’association solidaire refuse l’argent du Dakar". Celui-ci y explique les raisons qui ont poussé Bolivia Inti-Sud Soleil à refuser des fonds proposés par Amaury sport organisation (ASO), l’organisateur du Dakar, via une société intermédiaire : "Par le biais d’une société travaillant pour ASO, l’organisateur du rallye nous a proposé 100 000 euros, somme fantastique pour nous, mais nous devions servir à la promotion du rallye. Unanimement, notre conseil d’administration et notre équipe chilienne (...) ont rejeté cette offre alléchante." dit-il dans cet entretien.

Pas de regrets

"Accepter les fonds du Dakar n’était pas cohérent avec notre démarche." explique à Terra Eco Vincent Dulong. Le directeur de Bolivia Inti-Sud Soleil n’a pas de regrets. Fin 2008, l’association aurait bien été contactée par un intermédiaire pour se voir proposer "50 000 à 100 000 euros" dit-il, par une société française qu’on lui a ensuite présentée comme étant ASO, l’organisateur du Dakar. La course mythique a traversée l’Atlantique. Amaury sport organisation, qui a prélevé une "éco-participation" auprès des participants, cherchait apparemment à financer un projet pour la protection de l’environnement en Amérique latine.

Bolivia Inti-Sud Soleil est une association de solidarité internationale basée à Nantes qui diffuse au Pérou, en Bolivie, en Argentine et au Chili des cuiseurs solaires auprès de familles pauvres. Les revenus de ces dernières, inférieurs à 2 euros par jour, limitent l’accès à des combustibles fossiles trop chers tandis que le bois, lui, est trop rare. "A partir de matériaux locaux, nos partenaires sur place leur apprennent à construire un four permettant de cuire la nourriture grâce à la seule énergie solaire." expose Vincent Dulong. Résultats : finie la corvée de bois, la déforestation est limitée, l’usage du gaz est réduit. En dix ans, 10 000 familles ont ainsi été équipées et cela a permis d’éviter l’émission de nombreuses tonnes de CO2.

"Totalement faux"

Diffuser un cuiseur solaire demande environ 100 euros. Le calcul est vite fait : "50 000 à 100 000, c’est 500 à 1 000 cuiseurs supplémentaires" compte Vincent Dulong. Soit 1 000 familles aidées. Mais l’association est unanime : "Il y a trop de contradictions entre leur objectif et le nôtre, qui est de mettre du soleil dans le développement." confie Robert Chiron à Ouest France. Bolivia Inti-Sud Soleil ne souhaite voir son image associée à celle du Dakar. "Pour nous, la compensation carbone doit être une démarche globale. Les personnes qui la pratiquent doivent faire des efforts en amont. Lorsque les émissions sont inévitables, les compenser est cohérent. Mais le Dakar est une telle débauche d’énergie..." explique Vincent Dulong. Outre cet entretien à Ouest France, l’association a diffusé un texte sur Internet. "En communiquant sur ce refus, nous ne cherchons pas à stigmatiser le Dakar. Il s’agit d’un exemple qui doit permettre de soulever le débat sur la compensation carbone. Ce n’est pas une solution clé en main, il faut en avoir conscience." justifie Vincent Dulong.

Mais la société intermédiaire, qui souhaite rester anonyme, estime que Bolivia Inti-Sud Soleil cherchait injustement à se vanter d’avoir rejeté l’argent du Dakar. Son directeur est tombé des nues lorsque qu’il a lu l’entretien donné à Ouest France : "C’est totalement faux". Le responsable Argentine de la société, en charge de ce projet, dément en effet qu’ASO ait proposé 100 000 euros à Bolivia Inti-Sud Soleil. "Les organisateurs ont collecté une éco-participation pour cette édition 2009 et souhaitaient l’investir dans un projet environnemental en Amérique du Sud, dit-il. Nous avons parlé de 44 000 euros, pas de 100 000. Puisque qu’un bilan carbone de l’édition 2009 n’a pas été réalisé, il n’était même pas question de compensation carbone. Nous cherchions des associations qui agissent localement, c’est pourquoi nous avons contacté Bolivia Inti-Sud Soleil. Mais ça en est resté là. Les organisateurs du Dakar ont jugé que l’action de l’association n’avait pas un axe environnemental assez fort par rapport à ce qu’ils recherchaient. Ils n’ont pas donné suite."

ASO confirme. Roger Kalmanovitz, chargé des relations extérieures en Afrique et des actions Dakar explique qu’il recherchait un projet "purement écologique", qu’ils n’ont jamais été en contact direct avec Bolivia Inti-Sud Soleil et leur ont encore moins proposé une enveloppe puisque soutenir leur action "n’avait été qu’une idée ensuite abandonnée" et surtout "qu’il n’a jamais été question de compensation carbone." Finalement, les organisateurs du Dakar sont toujours en recherche d’un projet à soutenir avec le montant de l’écoparticipation de l’édition 2009.