Leur victoire sur la serpillière date de peu. Pourtant les lingettes existent depuis des années. "C’est une technique ancienne, mais elle n’était appliquée qu’à des secteurs restreints, comme les rince-doigts ou le nettoyage des nourrissons", explique Marc Coppolani, président de l’Afise, l’Association française des industries des savons et des détergents. Aujourd’hui, elles ont conquis les rayons "produits ménagers" des hypermarchés. Le début de l’explosion remonte à l’année 2000. Cif et M.Propre tout d’abord, puis c’est la déferlante. Les marques se multiplient, les usages se spécifient. En quelques mois, elles s’introduisent dans un quart des foyers. En 2002, ce taux de pénétration atteint près de 40%. Et ces petits carrés imbibés s’octroient 23% des ventes de produits détergents. Delphine Peyrel, chef de marque chez Unilever (Cif) reconnaît avoir été surprise. "Nous savions que ça marcherait, car nous répondions à une attente, mais nous n’avions pas prévu une telle ampleur ni une telle rapidité."
1530 lingettes par maison
Pratiques, ces lingettes ont un prix, à la caisse tout d’abord. Selon une étude de l’Observatoire bruxellois de la consommation durable, le nettoyage traditionnel d’une maison de 100 m2 nécessite 12,5 litres de détergent et 1820 litres d’eau par an. Dépense : 35 euros environ. Pour obtenir la même efficacité, il faut user 1530 lingettes, et se délester de 550 euros. Quinze fois plus cher. "Seulement" deux fois plus en réalité, rétorquent les fabricants, car on ne fait jamais le ménage uniquement avec des lingettes. Vendus plus chers, ces produits génèrent-ils des profits plus importants ? "Ce n’est pas si évident, minimise Anna Gallais, de Procter & Gamble, le n°1 de la lingette. Par rapport aux détergents en bouteille, ce n’est pas le même type de matières premières, ni le même type de recherche."
Pourtant, selon Delphine Peyrel d’Unilever, il y a bien eu un "avant" et un "après" lingettes. Depuis dix ans, le marché de l’entretien progressait en moyenne de 2 à 4% par an. Mais à partir de 2000, ce rythme est devenu franchement plus soutenu, jusqu’à dépasser les 11% de croissance en 2002. Car le marché de la lingette n’a pas remplacé celui du nettoyage classique. "C’est un geste additionnel", estime Delphine Peyrel. Toutefois, depuis un an environ, les ventes stagnent. Le marché est à saturation. Les industriels doivent repenser leur stratégie. Il ne s’agit plus d’être présent en quantité, mais d’offrir des produits plus spécifiques. En début d’année 2003, Unilever a abandonné ses lingettes Domestos pour salles de bains. Et s’est recentrée sur sa marque phare Cif avec une lingette à l’oxygène actif, et un nouveau spécimen "double face". Une qui gratte, une qui fait briller.
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