Un nuage de poussière derrière un camion sur la piste. Un drap à l’arrière d’un camion qui cache un père et son fils. Des flammes qui entourent une maison. Une pluie de cendre qui recouvre les hommes et les femmes. Dans La Terre et l’Ombre, Caméra d’or au dernier festival de Cannes, situations et personnages ne se donnent qu’à travers un rideau, un voile. Le fil narratif du premier long métrage du Colombien César Acevedo est aussi ténu que les enjeux sont lourds. Dans une maison isolée au milieu des champs de canne à sucre de la Vallée du Cauca en Colombie, Gerardo se meurt, entouré de sa femme, de son jeune fils et de sa mère. Le père, Alfonso, revient alors sur ses terres, dix-sept ans après avoir quitté les siens, et tente de renouer avec sa famille brisée.
Le grand-père construit une mangeoire pour les oiseaux avec son petit-fils, lui apprend à siffler pour les faire descendre des arbres, lui offre un cerf-volant… Il soutient le pas hésitant de son fils, le conduit à l’hôpital, laisse parler sa rage contre un médecin qui refuse de l’admettre alors que sa maladie des poumons, liée au brûlage de la canne alentour, s’aggrave inexorablement. Les femmes, elles, coupent pour l’industrie sucrière, monopolistique et cruelle. Les scènes s’enchaînent, délicates et intenses. La grand-mère refuse de quitter sa terre, Gerardo sa mère, sa femme et Alfonso l’espoir d’une vie meilleure ailleurs, l’enfant son père…
A travers ce presque huis clos en clair-obscur, César Acevedo livre le portrait d’une région mise sous le joug par les grands propriétaires terriens. Car le brûlage de la canne, pratiqué pour faciliter la coupe, gagne champ après champ, sans souci des conséquences environnementales et sanitaires. Porté par un esthétisme tenu et tendu sur un fil, La Terre et l’Ombre est une tragédie miniature poignante. Brillante, même sous la cendre.
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Terra eco
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