Claire Hédon est présidente d’ATD Quart Monde.
Terra eco : Quel lien faites-vous entre changement climatique et droits de l’homme ?
Claire Hédon : Le 8 novembre, la Banque mondiale a sorti un rapport qui fait très clairement le rapprochement entre lutte contre le réchauffement climatique et lutte contre la pauvreté : 2°C de plus, c’est 100 millions de pauvres supplémentaires d’ici à 2030. Lutter contre le réchauffement climatique, c’est donc aussi lutter contre la pauvreté. Comment faire le rapprochement avec les droits de l’homme ? En 2012, le Conseil des droits de l’homme, un organe onusien, avait adopté des principes directeurs concernant l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. Pour nous, c’est le premier texte international qui reconnaît les obstacles symptomatiques qui empêchent les personnes en grande pauvreté d’accéder à la pleine jouissance de leurs droits. La pauvreté, ce n’est pas simplement une question de revenus financiers. C’est aussi de ne pas réussir à avoir accès à ses droits. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, tout le monde est d’accord pour dire que les premières victimes, ce sont les plus pauvres. Et globalement, ce qui est proposé pour l’instant ne tient pas compte de leur avis, ce qui n’est pas efficace économiquement parlant !
De quelle manière les impacts du changement climatique peuvent-ils entraver les droits des personnes ?
A Manille (Philippines) par exemple, notre association travaille depuis très longtemps avec des familles qui vivent sous un pont. Après un typhon qui a provoqué des inondations, les familles ont été relogées par le gouvernement à 50 kilomètres du centre de la ville, dans un endroit où il n’y a ni travail, ni transports. Les gens sont donc revenus sous le pont ! Voilà une décision qui a été prise sans concertation avec les plus pauvres et qui, au bout du compte, est inefficace. C’est pourtant une question de droit. L’équation est valable pour les pays développés. Aux Etats-Unis, dans les travaux de reconstruction qui ont suivi l’ouragan Katrina (en 2005, ndlr), aucun logement n’a été prévu pour les plus pauvres dans le centre de la Nouvelle-Orléans. Ils ont été mis dehors. N’est-ce pas une affaire de droit cela ?
Qu’espérez-vous pour le texte d’accord qui doit sortir de la COP21 ?
Nous sommes nombreux à nous battre pour que la notion de droits de l’homme reste dans le préambule et dans l’article 2 du texte. Mais nous craignons que l’ajustement se fasse là-dessus, que certains pays laissent tomber d’autres choses en échange. Dans beaucoup de pays en développement, la notion de droits de l’homme se limite aux droits de l’opposition et aux droits de la presse. Ils ont toujours peur que ce soit une condition pour recevoir de l’aide. Pour nous, ça va beaucoup plus loin : nous y mettons le droit à la santé, le droit au travail, le droit à un revenu minimum d’existence…
Quelles sont les forces de votre côté ?
Nous avons le sentiment, avec les autres ONG, d’être bien petits dans ces négociations. Nous avons du mal à nous faire entendre, et à nous faire comprendre. Pourquoi la misère est une violation des droits de l’homme ? On a encore du travail pour faire accepter cela au niveau de la société et au niveau des politiques. C’est un combat depuis des années. Que cette notion soit inscrite dans le texte d’accord permettrait d’y faire référence. Nous nous battrons toujours sur le terrain. Mais quand il y a un accord mondial qui fixe des objectifs, c’est tout de même plus facile.
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