La course contre la montre
« C’est lié aux régionales, croit savoir Pierre Radanne, directeur de Facteur 4 et rodé aux négociations. Les résultats des régionales – qui risquent de ne pas être brillants – seront dans le journal de lundi matin. Si les négociations se poursuivent au-delà de vendredi, le résultat de la COP risque d’y être aussi. Le cauchemar de Fabius, c’est que les régionales enterrent la COP. » Aussi le ministre des Affaires étrangères presse-t-il jour après jour pour que le calendrier soit tenu. Et il est très strict : première « vision d’ensemble du texte » rendue mercredi soir. Texte final transmis jeudi soir afin de laisser un peu de temps pour traiter les questions juridiques et faire les traductions nécessaires vendredi dans la journée avant une signature vendredi soir. Pas question pour Laurent Fabius de risquer l’engluement dans des discussions infinies. Sauf que pour les ONG, « on sent que la présidence française confond vitesse et précipitation. Si elle sacrifie le contenu de ce texte pour sauver la face, ce n’est pas là l’essentiel », a souligné Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, ce mardi en conférence de presse.
Le casse-tête des 1,5°C
Maintenir le monde en-deçà d’un réchauffement de 1,5°C, c’est essentiel. « Ce petit 0,5°C qui sépare les 2°C des 1,5°C est un enjeu. Ça peut faire la différence pour un Etat-nation entier. Cet écart, c’est Tuvalu », a résumé Alix Mazounie, chargée des politiques internationales au Réseau action climat (RAC) en conférence de presse. Heureusement, nombre de pays semblent avoir compris l’importance du chiffre. Tant les chances qu’il se retrouve dans l’accord comme un seuil à ne pas dépasser grandissent d’heure en heure. Soulagées, les ONG ? Pas vraiment, car manque l’essentiel : les moyens de tenir cet objectif. « Vu comme les négociations sont en train de se développer, le 1,5°C devient un affichage pur », a déploré Alix Mazounie. « Il faut des éléments de texte, un calendrier, des moyens de financement… Il faut tous les rouages nécessaires. Sinon, on vend les 1,5°C comme un objet politique déconnecté de la réalité », a-t-elle poursuivi. « Certes, l’idée de 1,5°C est en train de prendre, mais si on n’a pas de plan d’action, ce ne sera qu’un engagement de papier dont on ne peut se contenter », a abondé Jean-François Julliard.
Mais pour espérer s’y tenir, il faut enclencher l’action dès que possible. Et pour cela, réclament les ONG, réviser les objectifs mis sur la table (les fameux INDC) avant même que l’accord n’entre en vigueur, soit autour de 2018-2019. Or, « aucun pays ni groupe de pays n’a voulu porter cette idée d’une révision avant 2020 » a regretté Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie pour le WWF France.
Qui va pousser un coup de gueule ?
On se souvient de Copenhague où le chef du groupe G77 avait haussé la voix en déclarant que le texte infiltré par la présidence danoise était un « pacte suicidaire ». Des ONG qui, à Varsovie, avaient claqué la porte pour dénoncer des pourparlers qui ne « débouch[aient] sur rien ». Point de cela à Paris. Le ton est, pour le moment, fort poli et les coups de gueule absents. En plénière, les ministres qui se sont succédé à la tribune ces lundi et mardi ont tous salué le rôle fort constructif de la présidence française. En conférence de presse, quatre ministres du G77 + Chine – peu avares de déclarations tonitruantes d’habitude – ont simplement rappelé ce qu’ils attendaient d’un accord. A peine Prakash Javadekar, le ministre de l’environnement des Forêts et du Changement climatique, a-t-il calmement exprimé sa déception : face « au faible niveau d’ambition climatique et de soutien accordé par les pays développés ». Mais à la question ultime d’un journaliste qui lui demandait quelles étaient, selon lui, les lignes rouges à ne pas dépasser, il a simplement répondu dans un sourire entendu : « Nous n’avons pas de lignes rouges, nous n’avons que des lignes vertes. »
Mais pourquoi tant d’amour et de bienveillance ? « Les Etats se sont rencontrés de nombreuses fois pendant l’année, peut-être certains ont-ils tapé du poing au cours de l’année, ce qui expliquerait qu’il n’y a pas de coup d’éclat maintenant. Mais plus on se rapproche de la fin, plus c’est le moment d’élever la voix », a tenté Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat et énergie pour Oxfam en conférence de presse. « Personne ne se met visiblement dans une logique d’obstruction, mais le diable est dans les détails », souligne Pierre Radanne.
S’écharperont-ils sur le financement ? La formulation d’un objectif à long terme ? Tout est encore possible. Lundi soir, lors de la première réunion du comité de Paris – chargé de synthétiser les avancées des négociations –, la Malaisie, au nom des LMDC (littéralement les « pays à opinion proche »), a bien tenté de donner de la voix en contestant la procédure. Sans grand succès. Les Iles Marshall l’ont ramenée dans le droit chemin en soulignant la nécessité de « confiance à la présidence et aux ministres ».
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