Le constat est sans appel. Eviter que le climat ne se dérègle de plus belle suppose de laisser sous terre au moins « un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80% du charbon », selon une étude publiée en janvier dans la revue Nature. Sachant cela, peut-on continuer à financer leur extraction ? Négatif ! Cette réponse catégorique est la raison d’être du mouvement de désinvestissement porté par le réseau 350.org, nommé ainsi en référence à la concentration de CO2 dans l’atmosphère (en parties par million) à ne pas dépasser pour éviter d’atteindre le seuil fatidique de +2°C.
Tout commence en 2011 sur un campus de Philadelphie, aux Etats-Unis. Une poignée d’étudiants reviennent d’une virée dans les Appalaches où ils ont constaté les dégâts causés par l’exploitation du charbon. Ils font alors pression sur le fonds d’investissement de leur université pour qu’il détourne son argent de cette activité. Quatre ans plus tard, près de 2 500 individus et institutions ont annoncé leur intention de retirer les compagnies gazières, pétrolières et d’extraction de charbon de leurs portefeuilles d’investissements. Parmi eux, la fondation Rockefeller – qui, un demi-siècle plus tôt, faisait pourtant fortune grâce au pétrole de la Standard Oil –, le fonds souverain de la Norvège, le plus important au monde, Leonardo DiCaprio ou encore le journal britannique The Guardian.
A eux tous, ils pèsent 2 600 milliards de dollars (2 420 milliards d’euros), selon une étude du cabinet Arabella Advisors. En un an, entre 2014 et 2015, leur nombre a été multiplié par deux, leur poids économique, par cinquante ! Les chercheurs de l’université d’Oxford notent que le mouvement Zéro fossile se propage plus vite que tous les précédents, comme les campagnes de désinvestissement ciblant l’industrie du tabac ou l’apartheid.
« Processus de stigmatisation »
Aujourd’hui, les 200 compagnies au plus gros potentiel d’émissions de gaz à effet de serre sont dans le viseur. « Les dernières études financières prouvent qu’il y a désormais un risque à investir dans ces activités et on peut imaginer que des investisseurs s’en détournent non seulement pour des raisons éthiques mais simplement parce qu’ils ont compris qu’il s’agissait d’énergies du passé », explique Clémence Dubois, chargée de communication du réseau 350.org pour la France. L’équipe de recherche d’Oxford nuance : « L’impact direct sur les dettes et les actions va probablement être limité (…). Là où les campagnes seront le plus efficace, c’est dans le déclenchement d’un processus de stigmatisation de ces compagnies. » Une stigmatisation qui pourrait rejaillir sur ceux qui les soutiennent, fonds de pension et gouvernements. « La France, actionnaire de compagnies productrices d’énergies, comme EDF, pourrait faire beaucoup plus », estime Clémence Dubois. —
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