La Glace et le ciel, le nouveau film de Luc Jacquet (Lire ici son interview), oscarisé en 2006 pour La Marche de l’empereur, est une histoire de passage. Passage à l’âge adulte d’abord pour Claude Lorius, le héros du documentaire. En 1955, le jeune homme a 23 ans. Il aime le foot, les filles, la science… et l’aventure. Il répond à une petite annonce singulière, collée sur les murs de la fac de Besançon (Doubs) : « On recherche jeunes chercheurs pour participer aux campagnes organisées pour l’Année géophysique internationale. » Deux ans plus tard, il entame un hivernage d’un an en Antarctique, sur la base française Charcot. Le cours de son existence vient de changer : il reviendra des dizaines de fois sur ce continent hostile et fascinant. Car là-bas – outre un froid qui plonge parfois à -90°C –, il découvre la camaraderie et le bonheur dans la glaciologie.
En 1965, deuxième passage : le pionnier devient découvreur. Après une journée à carotter de la glace, lui et ses compagnons d’infortune en brisent quelques morceaux et les plongent dans des verres de whisky. En fondant, ils laissent remonter des bulles d’air. Il y a là, emprisonnée, de l’atmosphère vieille de dizaines de milliers d’années. Vingt ans plus tard, cette avancée scientifique en engendre une seconde, grâce à la collaboration des Soviétiques sur la base de Vostok – une incongruité, à l’heure de la guerre froide. De nouveaux carottages prouvent le lien entre teneur en CO2 et en méthane de l’air et température de l’atmosphère. Or, depuis la révolution industrielle, ces taux explosent du fait de l’activité humaine. Ce scoop annonce un changement climatique inquiétant. Claude Lorius passe le costume
de lanceur d’alerte, qu’il ne quittera plus.
Emotion du grand public
De ce destin hors du commun, Luc Jacquet a tiré un film passionnant… et ambivalent. Le matériau filmique est extraordinaire, toutes les expéditions de Claude Lorius ayant été gravées sur pellicule.Les prises de vue aériennes en Antarctique sont splendides. Mais les images sont souvent gâchées par une musique de blockbuster et une voix off omniprésente et un rien théâtrale – celle d’un comédien, Claude Lorius n’ayant pu l’assurer, au grand désespoir de Luc Jacquet. Ou comment passer de l’empathique à l’emphatique. L’ambition du réalisateur, lui-même scientifique de formation, est assumée : faire œuvre de passeur en jouant sur l’émotion du grand public. Le documentaire n’est d’ailleurs qu’un élément d’un projet multimédia (cinéma, télé, webdocumentaire, programme pédagogique) développé cette année, à l’occasion de la COP21. Tant pis pour l’histoire du cinéma, tant mieux pour les victimes du changement climatique. —
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