Surplombant les ruelles escarpées et les monuments coloniaux de Guanajuato, à l’ombre de jacarandas aux fleurs mauves, le siège de l’association mexicaine Las Libres (« les femmes libres ») ressemble à un havre de tranquillité. Pourtant, à l’intérieur, ça bouillonne. Verónica Cruz Sánchez, la directrice, enchaîne coups de fil et réunions. Elle et son équipe s’activent autour de leur nouvelle « clinique juridique ». Une quinzaine d’étudiantes en droit, épaulées par une avocate, y accueillent des femmes victimes de violences et les aident à porter plainte. « Une dizaine de femmes nous contactent chaque jour, comptabilise Verónica. C’est énorme ! Ce chiffre révèle deux choses : d’une part les Mexicaines ont pris conscience que cette violence doit être dénoncée et d’autre part ces cas de viols, de coups, de meurtres s’intensifient depuis plusieurs années, sans que le pouvoir ne bouge. »
Est-ce ce constat qui a fait naître, sur le front de cette militante de 43 ans, une ride indélébile ? Ou plutôt une détermination que cette Mexicaine née dans une fratrie de huit enfants a toujours cultivée, notamment lorsqu’elle cumulait bourses et petits boulots pour financer ses études d’assistante sociale ? En 2000, Vero – comme l’appellent ses proches – apprend que Guanajuato compte interdire l’avortement aux victimes de viols, l’unique exception qui, aujourd’hui encore, autorise les habitantes de cet Etat ultraconservateur à mettre un terme à leur grossesse. Avec des amies, elle fonde Las Libres et soulève une mobilisation qui parviendra à stopper le projet.
Par la suite, elle ne cessera d’organiser des ateliers de prévention, rappelant le planning familial français. En 2010, nouveau scandale : l’asso révèle que neuf femmes indigènes sont emprisonnées à Guanajuato pour plus de vingt ans. Leur crime ? Avoir perdu leur bébé pendant la grossesse, cela équivalant, pour le tribunal, à un avortement illégal. Devant l’indignation nationale, elles seront libérées. « Depuis, aucun emprisonnement de ce genre n’a été observé à Guanajuato », se félicite Verónica. Mais ailleurs dans le pays, la situation reste préoccupante. Las Libres recense aujourd’hui 700 Mexicaines poursuivies pour avortement illégal.
Verónica Cruz Sánchez en dates
2000 Crée l’association Las Libres
2010 Las Libres défend neuf femmes indigènes condamnées pour « homicide volontaire sur un être en gestation »
2014 Création de la première « clinique juridique » pour les femmes
L’impact
Saisine de la Cour suprême pour reconnaître le délit d’avortement comme anticonstitutionnel
Une dizaine de femmes aidées chaque jour
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions