La Chine dans l’œil du cyclone

Le traitement de l’information par les médias est fascinant. Voici quelques jours, une agence environnementale batave - The Netherlands Environmental Assessment Agency (MNP) - s’offre un "coup de pub" en annonçant que la Chine est devenue en 2006 le premier producteur mondial de gaz à effet de serre, dépassant, pour la première fois, les Etats-Unis.

Et de belle manière puisque - précision remarquable et sûrement scientifiquement établie -, si en 2005, les émissions de CO2 chinoises étaient inférieures de 2% aux émissions américaines, en 2006 elles leur sont supérieures de 8%.

La Chine, cible n°1

Aussitôt, les médias s’emparent de l’affaire et reproduisent l’information telle quelle ou, plus exactement, le titre “vendeur“ du communiqué diffusé par MNP.

En réalité, qu’en est-il ? Les émissions chinoises de CO2 ne cessent de grimper, c’est sûr : l’industrialisation à marche forcée des 25 dernières années porte évidemment à conséquences. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la Chine compte pour les 4/5 de la croissance de la production industrielle et des émissions de CO2 au cours des 25 dernières années.

Reste que trois éléments doivent tempérer ce constat :

1- L’industrialisation chinoise correspond pour partie à une désindustrialisation en Occident : si la Chine pollue plus, c’est partiellement parce qu’elle fabrique une proportion croissante de produits autrefois manufacturés en Europe, au Japon ou aux Etats-Unis et destinés à l’exportation, c’est-à-dire à la consommation des pays développés.

2- La question des changements climatiques dûs aux émissions de CO2 est bien antérieure au développement chinois : ce sont les émissions de CO2 des pays développés (Europe, Etats-Unis et Japon) depuis des décennies, voire depuis deux siècles, qui restent largement responsables de la situation actuelle.

3- Que les émissions de CO2 d’un pays d’1,3 milliard d’habitants dépassent celles d’un pays de 300 millions d’habitants ne devrait pas étonner plus que cela. Ramenées à la seule mesure qui vaille, les émissions chinoises de CO2 sont d’environ 5 tonnes par habitant (la moyenne des pays en développement est de 4,2), celles de l’Europe (des 15), de 10 tonnes et celles des Etats-Unis, de 20 tonnes par tête.

On le voit, titrer sur les chiffres absolus par pays, même s’ils sont vrais, plutôt que sur les chiffres per capita, est une forme élaborée de mensonge.

Mensonge volontaire ?

On peut même se demander si cette publication et la campagne de presse qui s’ensuit ne s’apparente pas à de la manipulation ou de la propagande, dans le cadre de manœuvres internationales sur l’après-Kyoto.

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a ainsi déclaré lundi que les pays en développement ont une "responsabilité partagée" avec les pays les plus riches pour sauver la planète du changement climatique et de la pauvreté, ajoutant que la Chine (mais aussi le Brésil ou l’Inde) "devrai(en)t participer aux efforts collectifs de la communauté internationale contre le changement climatique".

L’enjeu n’est pas mince : les pays développés tentent aujourd’hui de négocier l’après-Kyoto, avec l’objectif tactique d’imposer des limitations d’émissions à des pays bien moins pollueurs qu’eux.

(Crédit photo : © Arno Brignon - Fotolia)