Barack Obama n’aura pas besoin de sortir son véto. Du moins, pas pour l’instant. Dans la nuit de mardi à mercredi, le projet d’oléoduc Keystone XL a été rejeté à une voix près – il a recueilli 59 votes alors qu’il en fallait 60 – par le Sénat américain. La loi, adoptée quelques jours plus tôt par la Chambre des représentants, aurait autorisé la construction de cet oléoduc de 1 900 km de long voué à transporter quotidiennement 800 000 barils de pétrole extrait des sables bitumineux du Canada jusqu’aux raffineries du Texas. Une autorisation à laquelle le président américain se serait probablement opposé.
Keystone XL suspendu jusqu’en janvier
Depuis maintenant six ans, la Maison-Blanche bloque le dossier… au grand dam du Canada, pays exportateur de brut, qui trépigne en attendant le feu vert des Etats-Unis. Les écologistes et démocrates, Barack Obama en tête, craignent des effets dévastateurs sur l’environnement. Au-delà des risque de fuites et de contamination liés au transport par oléoduc, c’est l’extraction elle-même, plus énergivore et plus polluante que la production de pétrole conventionnel, qui pose problème.
De leur côté, les républicains mettent en avant la création d’emplois : 42 000 seraient en jeu, si l’on se fie aux promesses de la société TransCanada, qui porte le projet. Pour les défenseurs de l’oléoduc, ce n’est que partie remise. Après avoir remporté les dernières élections de mi-mandat au Congrès, les républicains attendent de siéger effectivement en majorité au Sénat pour revoter la loi. Le projet pourrait être ainsi relancé en janvier.
46 000 km d’oléoduc et 35 000 partisans… rémunérés ?
En attendant, TransCanada ne s’endort pas. Comme le révèle Mediapart, la compagnie a déposé, le 30 octobre, devant l’Office national de l’énergie, un dossier pour un autre oléoduc, baptisé Energie Est, cette fois 100% canadien. D’une longueur de 4 600 km, celui-ci doit traverser le pays de d’Ouest en Est. La compagnie est depuis ce mardi sous le feu des critiques, après que Greenpeace a dévoilé son plan de dédiabolisation. Selon l’ONG, TransCanada entreprend de se doter, moyennant rémunération, de 35 000 partisans influents pour organiser de toutes pièces une mobilisation citoyenne en faveur de son projet.
Dans le même temps, les pétroliers canadiens, soutenus par le Premier ministre Stephen Harper, lorgnent avec insistance le marché européen. Toujours selon Mediapart, la dernière directive européenne sur la qualité des carburants les y encourage. La Commission européenne y reconnaît que l’extraction de pétrole issu de sables bitumineux émet 23% de CO2 de plus que l’extraction conventionnelle, mais elle renonce à qualifier le procédé de « hautement polluant » et ne dissuade pas l’industrie d’utiliser cette énergie. Selon une étude de Greenpeace et des Amis de la Terre (ici en pdf), cette directive, en débat depuis 2011, pourrait ouvrir la voie à une importation massive de pétrole issu des sables bitumineux. Celle-ci entraînerait une hausse des émissions de CO2 équivalent à l’ajout de 6 millions de véhicules sur les routes européennes.
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