La science participative, les naturalistes connaissent bien. Depuis plusieurs siècles, ils invitent les amateurs à compter, observer la nature pour compiler des données qui serviront à la recherche. En témoignent par exemple les programmes du Muséum national d’histoire naturelle sur les papillons, les escargots et la biodiversité en général. Mais la diffusion d’Internet conjuguée à la baisse des prix du matériel high-tech et à la création de logiciels malins donne un coup d’accélérateur à cette pratique démocratique de la science. La preuve avec cinq initiatives qui rendent les citoyens responsables de la connaissance.
Ushahidi, un logiciel contre les violences
La formidable aventure d’Ushahidi, qui signifie « témoin » en swahili, a commencé en 2008 au Kenya pour cartographier les actes de violence après des élections. La carte obtenue, publiée sur Internet, était alimentée par des e-mails et des SMS. Le logiciel alors créé a servi la même année pour dénoncer des violences en Afrique du Sud et dans l’est de la République démocratique du Congo. En 2009, à détecter les ruptures de stock dans les pharmacies de plusieurs pays africains et à surveiller des élections au Mexique et en Inde. En 2010, en Italie, une carte Ushahidi est dédiée à la prévention et à la gestion des incendies de forêt et en Louisiane, des « Ushahidians » – le nom donné aux bénévoles de l’ONG – font un état des lieux précis de la marée noire due à l’explosion de la plateforme pétrolière BP. Aujourd’hui, Ushahidi est une ONG d’ampleur internationale. Elle reçoit la visite du patron des Nations unies et a fondé, à Nairobi, un lieu regroupant la communauté des technophiles de l’Est africain et soutient des start-up. Entre autres. Et les quelque 60 000 cartes créées dans 159 pays grâce à l’ONG kenyane forcent le respect.
Open Street Map, des cartes à compléter
Créer des cartes dont les données sont libres, que chacun puisse reproduire, modifier, compléter et utiliser de façon créative et gratuite. C’est avec cette idée que le Britannique Steve Coast a impulsé en 2004 ce qui est aujourd’hui un projet d’ampleur mondiale, Open Street Map (OSM). 1,8 million de géographes amateurs sont aujourd’hui membres du site et, parmi eux, 25 000 sont des contributeurs actifs, dont quelques milliers en France. Ils utilisent des photos satellites et aériennes ou partent simplement en randonnée pour collecter des infos et ajouter leur grain de sel – un parking à vélo, un lieu accessible en fauteuil roulant, une bibliothèque, des toilettes publiques…
Citoyens capteurs, des outils pour mesurer
Au printemps 2014, les Citoyens capteurs présentaient un appareil open source de mesure de la pollution et un site pour cartographier les données recueillies – sur une carte Open Street Map, bien sûr ! Une carte pour l’instant presque vide, mais qui n’attend que vous. Et, depuis juin dernier, c’est sur le terrain des économies d’énergie qu’avancent les Citoyens capteurs. Ils ont initié Citizen Watt, en partenariat avec la mairie de Paris, pour développer un outil de mesure et de visualisation de la consommation électrique des foyers qui sera bientôt testé dans quelques dizaines de foyers parisiens volontaires.
Safecast ou comment évaluer soi-même la radioactivité
Mars 2011, Fukushima. Raz-de-marée, explosion de la centrale nucléaire. On connaît l’histoire. Dans les jours qui suivent la catastrophe, face à l’absence d’information, trois amis entre Tokyo (Japon) et Los Angeles (Etats-Unis) décident de mesurer eux-mêmes la radioactivité de leur région respective. Ils relient un compteur Geiger à un GPS, l’accrochent à une voiture, publient les résultats sur une carte. L’équipe de Safecast développe ensuite un compteur en open source, capable de tenir dans une boîte Bento. Sa dernière version est vendue en kit sur Amazon pour 450 dollars (360 euros). On peut aussi la construire soi-même à partir des instructions données sur le site. Aujourd’hui, plus de 800 compteurs Safecast sont en circulation et ont récolté des millions de données réunies sur des cartes en ligne.Foldit, pour les apprentis chercheurs
Dans la catégorie serious game scientifique, la référence s’appelle Foldit (« plie-la » en anglais). Créé en 2008 par trois biologistes américains, ce jeu en ligne invite les internautes du monde entier à explorer la structure des protéines. Les joueurs sont face à une sorte de puzzle et doivent créer des liaisons entre acides aminés afin que la structure tienne le coup. Inutile d’avoir la moindre notion de chimie pour participer. Etre addict au jeu suffit. En 2010, les joueurs ont trouvé la structure d’une des principales protéines du virus du sida. En ce moment, des centaines d’internautes du monde entier planchent sur le virus Ebola.
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