Résumer en un mot la synthèse du cinquième rapport sur le changement climatique du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ? Rien de plus simple : « urgence ». Publié ce dimanche, le document somme les décideurs de tout poil (politiques, économiques, financiers) d’agir vite. « Nous avons peu de temps avant que la possibilité de rester sous les 2°C (d’augmentation de la température globale par rapport au début de la Révolution industrielle, ndlr) ne disparaisse », a déclaré dans un communiqué Rajendra Kumar Pachauri, le président du groupe. Ce n’est pas la première fois que l’institution lance une telle mise en garde, mais la dernière du lot se fait très pressante. Alors que le compte à rebours avant la Conférence sur le climat de Paris – à la fin de l’année 2015 – est lancé, tour d’horizon dans la presse internationale de ce qu’il faut savoir sur ce rapport… et autour !
D’abord, un peu de pédagogie avec un « questions-réponses » limpide à lire sur Lefigaro.fr. Températures, précipitations, acidification des océans… Cet article fait le bilan de l’état du globe… et ce n’est pas glorieux. Qui est à mettre en cause ? Les émissions de gaz à effet de serre (GES), bien évidemment. Et plus précisément « les énergies fossiles et l’industrie », responsables de « 78% des émissions entre 1970 et 2010 ». D’ores et déjà, « les régions où les précipitations ont augmenté sont plus nombreuses que celles où elles ont diminué », « la répartition, les migrations et la population de nombreuses espèces marines ou terrestres ont été modifiées » et « l’impact global sur les rendements agricoles est négatif ».
Le site américain Grist se fend, lui, d’un Top 10 des choses à retenir de ce rapport : de la responsabilité humaine du changement climatique au fait que ce texte est « très prudent », en passant par l’assurance que la hausse des températures fera des ravages sur les pays en développement… mais ne laissera personne indemne.
Prix Nobel optimiste
Les pays du Nord justement, et européens en particulier, ne semblent pas pour autant vouloir, crise économique oblige, remettre en cause le dogme de la croissance économique tous azimuts. Raison pour laquelle est mise en valeur, dans Les Echos notamment, l’affirmation du Giec selon laquelle « une réduction drastique des émissions mondiales de gaz à effet de serre » « ne compromettrait cependant pas la croissance mondiale. (…) Estimée entre 1,6% et 3% au cours de ce siècle, celle-ci ne se trouverait amoindrie que de 0,06 point. »
Dans le quotidien colombien El Tiempo, le prix Nobel d’économie 2001, l’Américain Michael Spence, se veut positif après la lecture du rapport. Il affirme que « les coûts nets pour réduire les émission de CO2 ne sont pas si élevés à court et moyen terme. Mais il y a une condition importante : les mesures doivent être adoptées dès maintenant ». Quel est le chemin à suivre ? « Incorporer des stratégies “bas carbone” aux processus de planification locale et profiter du potentiel d’Internet pour améliorer l’efficacité. Si on y ajoute les coûts à la baisse des sources d’énergie alternatives et les avancées de la technologie, les objectifs mondiaux de réduction des gaz à effet de serre ne paraissent pas si éloignés et coûteux. »
Une première depuis cinq millions d’années
Une vision beaucoup plus optimiste que le titre d’un article publié sur le site américain Quartz : « Nous avons 86 ans pour arrêter d’utiliser les énergies fossiles… mais même ça pourrait ne pas suffire à sauver la civilisation ». L’écologiste George Marshall y affirme que les hésitations depuis 1992 et le sommet de Rio ont été telles qu’« il est déjà trop tard » et qu’au lieu des 2°C d’augmentation des températures, on pourrait se diriger vers un boom de 4°C. Or, selon le climatologue John Schellnhuber, « la différence entre 2 et 4°C, c’est la civilisation humaine » ! Et Quartz de citer quelques-unes des conséquences d’une hausse de 4°C, situation que la Terre n’a pas connue depuis au moins cinq millions d’années : une montée du niveau de la mer qui pourrait submerger deux tiers des plus grandes villes du monde, 40% des plantes et des animaux en risque d’extinction, la production américaine de maïs, de soja et de coton en chute libre (jusqu’à -82%), la perte de la majorité de la forêt amazonienne ainsi que d’un tiers des forêts tropicales asiatiques… N’en jetez plus.
Bon d’accord, vous en voulez encore ? Découvrez ici notre sélection d’articles autour de ce rapport.
Libération raconte l’histoire du Giec, né sous la pression de Ronald Reagan et Margaret Thatcher !
Le quotidien brésilien Folha de São Paulo se penche sur l’ambiance des dernières négociations : tendue mais constructive. Un complément à l’enquête de Terra eco sur les coulisses du marathon des négociations climatiques
Le site australien Renew Enonomy pointe les coups de règle sur les doigts portés par le Giec au gouvernement du libéral Tony Abbott, chantre absolu du charbon.
Andrew C. Revkin, l’auteur de Dot Earth, le blog écolo du New York Times, pointe un manque dans le rapport. Selon lui, la synthèse oublie qu’il ne suffira pas, pour que les énergies « low-carbon » ou « no carbon » l’emportent, de « quelques changements dans les politiques actuelles ». Il faudrait, au contraire, « une hausse substantielle de la recherche et développement et des projets à grande échelle liés à ces technologies : capture et stockage de CO2, gestion de réseaux et nouvelle génération de centrales nucléaires. » Pas sûr que cela convainque tout le monde.
Le quotidien allemand Die Welt évoque, enfin, une étude japonaise qui assure que la fonte des glaces favorise les hivers glaciaux en Europe. Un élément de plus dans la controverse autour du lien entre phénomènes météorologiques extrêmes et changement climatique. Une question que le Giec n’a toujours pas résolue.
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