Convertir toutes ses cantines scolaires au 100 % bio, soit 2 500 repas par jour servis dans pas moins de 97 écoles. Tel était le pari de la ville de Saint-Etienne (Loire) en 2009. Profitant de la fin d’un contrat avec un précédent prestataire, la mairie exigeait, dans son nouvel appel d’offres, des menus labélisés à 50 % pour la première année. Un score à augmenter de dix points par an, jusqu’à atteindre les 100 % en 2014.
Avenance, rebaptisée depuis Elior Restauration Environnement, emportait le morceau, en baissant les prix de 10 % par rapport à l’ancien système. Et l’objectif sera, semble-t-il, atteint. « Nous sommes aujourd’hui à 80 % de bio, pour 3 000 repas par jour, et nous espérons parvenir à 100 % avant la fin du mandat », s’enorgueillit Myriam Ulmer, l’adjointe à l’éducation et à la petite enfance.
Chou et céleri
Et que disent les papilles des petits Stéphanois, facturés entre 1 et 5 euros le repas selon les revenus de leurs parents ? « Ils sont moins contents en hiver, parce que certains ne raffolent pas du chou et du céleri. Nous avons fait une enquête : 70 % sont satisfaits en hiver. Mais, le printemps venu, on grimpe à 80 % ou 85 %. » Ils ont même appris à apprécier le tofu. « Au début, ils faisaient la grimace. Puis c’est entré dans les moeurs. Il faut dire qu’on le cuisine avec de la sauce tomate, c’est bon ! », assure l’élue.
Elle se dit ravie de l’expérience. « Nous souhaitions que les enfants puissent manger sainement, plus de fruits et légumes, moins de sucre, moins de produits manufacturés. Que ce soit aussi bon pour l’environnement et les agriculteurs locaux. » Elior est un poids lourd, une des trois majors du secteur, avec 800 000 repas servis chaque jour. Ce prestataire a proposé du bio dès 1998.
Difficile d’allier bio et local
« En 2009, nous avions déjà des petites collectivités à 100 %, comme le Cap d’Agde, 600 repas par jour, rappelle Charles-Edouard Saman, directeur du développement des collectivités territoriales de l’entreprise. Cela n’a pas été compliqué de démarrer à 50 % à Saint-Etienne. Il a été difficile, en revanche, d’allier bio et local. Pour y parvenir, nous nous sommes rapprochés des producteurs du coin et notamment de Bio A Pro, une coopérative qui fournit la restauration collective. Nous leur avons fait part de nos besoins, pour qu’ils puissent anticiper. »
La chose s’avère un peu plus délicate qu’un petit tour au marché bio du village. Une diététicienne prépare les menus… un an à l’avance. « Quarante pour cent de l’approvisionnement est local, en provenance de départements limitrophes, pour le bio, précise l’élue à la petite enfance. Nous mettons la pression à notre prestataire pour qu’il atteigne le niveau de 50 % le plus vite possible. Mais nous sommes déjà bons : la moyenne dans le secteur se situe à… à peine 5 % de local. »
Les producteurs se régalent
La coopérative Bio A Pro comptait une demi-douzaine de membres à sa création, en 2009. Ils sont près de 80 aujourd’hui et ont largement profité de la dynamique enclenchée. « Un de nos producteurs de yaourts du département de la Loire s’est installé grâce aux débouchés de Saint-Etienne, explique Mathias Portis, coordinateur de Bio A Pro. Les répercussions se font sentir sur tout le territoire. Les producteurs s’organisent et créent de nouvelles gammes de produits. »
Pour mettre en place un tel projet, il a toutefois fallu surmonter quelques difficultés, au premier rang desquelles la transformation. Dans la cuisine centrale de la ville, une « légumerie » a ainsi dû être créée, un joli nom pour désigner une salle équipée pour laver, éplucher et râper les légumes. « Sans cela nous serions dépendants de transformateurs qui, de fait, n’existent pas dans toutes les régions. Nous ne pourrions pas proposer du local », souligne Charles-Edouard Saman.
L’arrivée des émincés
Elior sert aujourd’hui 5 millions de repas équivalent bio par an et neuf de ses cuisines centrales sur dix fournissent régulièrement du bio. « Nos nouveaux contrats atteignent 20 % de bio, assure-t-il. Mais, aujourd’hui, les collectivités privilégient le local. Si c’est bio, tant mieux, mais cela vient en plus. » Pour tenir les prix, « il nous faut travailler très en amont, explique-t-il. Nous devons donner des garanties à nos producteurs sur les volumes pour qu’ils nous proposent un prix abordable en contrepartie.
Cela a d’autres conséquences intéressantes. Nous travaillons par exemple avec un volailler bio à Lyon (Rhône, ndlr). Il nous proposait un prix démesuré. Nous avons cherché à comprendre : il nous a expliqué que nous lui commandions 20 000 cuisses de poulet et qu’il ne savait pas quoi faire du reste. Alors, nous avons travaillé avec la ville pour servir les autres morceaux, sous forme d’émincés. » Une nouvelle recette bio, locale et bon marché pour les petits Lyonnais !
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