Oubliez vos clichés et embarquez l’esprit léger : l’avion est un mode de transport plus écologique que la voiture, rassure British Airways, via son responsable environnement. Dans un publicommuniqué du 22 janvier dernier dans 20 Minutes, Jonathon Counsell assurait en effet : « Si l’on considère qu’un avion consomme (sic) en moyenne 101 g/km de CO2, contre 160 g/km pour une voiture en Grande-Bretagne… Et que cette dernière transporte le plus souvent une ou deux personnes, alors que l’avion a une capacité d’environ 300 passagers ; il est plus écologique de se déplacer par ce biais. »
Pour verdir sa carlingue, rien de tel qu’une comparaison. Et à première vue, la com de la compagnie aérienne est dans les clous. « Une voiture émet en moyenne 161 g de CO2 par kilomètre », confirme Jean-Marc André, expert transports au Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique). Les estimations se corsent pour l’aérien. La Direction générale de l’aviation civile avance le chiffre de 90 g/km par passager, mais elle invite à s’en méfier : « Entre un trajet optimal de 6 000 km et un court-courrier de moins de 1 000 km, le niveau d’émissions passe du simple au double. » De leur côté, les constructeurs aéronautiques se gardent d’avancer des chiffres. « Tout dépend de la distance parcourue, du nombre de passagers emportés, de la mission demandée, des conditions météo… », élude-t-on chez Airbus. Parmi toutes ces variables, British Airways choisit celles qui l’arrangent.
Petite cylindrée et long-courrier
Première tactique : mettre en concurrence une voiture lambda avec un avion dernier cri. La petite cylindrée neuve, dont les émissions plafonnent à 115 g/km, n’a pas été retenue. En revanche, c’est d’un avion de 300 places dont il est question. Or, sur les 14 modèles de la flotte de British Airways, trois seulement atteignent cette capacité. Le hic, c’est que ces Boeing 777 et ces A380 sont surtout destinés aux long-courriers. « Ce n’est pas le type de trajet qu’on parcourt en voiture », souligne Françoise Brochot, secrétaire générale d’Advocnar (Association de défense contre les nuisances aériennes).Pour comparer ce qui est comparable, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a mis en ligne un logiciel de calcul. Prenons un Paris-Marseille. Si un automobiliste voyage seul, ses émissions de CO2 sont au mieux plus faibles, au pire équivalentes à celle d’un trajet en avion. Si un second passager prend place dans l’auto, le voyage par les airs est définitivement sur la touche. Mais British Airways part du principe que la voiture roule à vide quand l’avion affiche complet. Or, chez la compagnie britannique, les appareils sont en moyenne remplis à 80 %. Avec 240 passagers au lieu de 300, les émissions par tête augmentent fatalement.
Avion complet, voiture à vide
Reste que le CO2 n’est pas l’alpha et l’oméga de la pollution de l’aviation. La combustion de kérosène émet aussi du NOx, entendez de l’oxyde d’azote, et des particules fines. Ainsi, « la comparaison ne tient qu’avec une voiture diesel sans filtre à particules », précise Françoise Brochot. Sans oublier les traînées de condensation (ou chemtrails), ces nuages blancs qui se forment lorsqu’un avion vole entre 8 000 et 12 000 mètres d’altitude. Selon une étude du Centre aérospatial allemand, les chemtrails contribuent autant au changement climatique que les émissions de CO2 ! British Airways omet un autre biais : l’altitude. A court terme, les gaz émis au sol par les voitures participent quatre fois moins vite au changement climatique que ceux propulsés dans les airs. Et non seulement l’avion ne remplace pas complètement la voiture, mais il faut souvent prendre cette dernière avant de décoller. « Cette comparaison oublie les émissions liées au fonctionnement d’un aéroport et aux trajets pour s’y rendre, souligne Karine Léger, ingénieure à Airparif. Sans ses avions, Roissy – Charles-de-Gaulle produit autant de pollution atmosphérique que le périphérique. » —
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