Des transpalettes vont et viennent pour faire sortir de l’eau les bateaux à moteur ; des grues hissent les voiliers sur une remorque. Direction : le port à sec de Frossay (Loire-Atlantique), qui a ouvert ses portes en mars. Ils y seront posés sur des tréteaux. Frossay est le dernier-né de ces nouveaux ports qui boudent les rivages. Leur fonctionnement est simple : les petits bateaux à moteur sont alignés comme des conserves sur d’immenses étagères, alors que les voiliers sont rangés bord à bord sur le bitume, tels des autos sur un parking. Pas de difficulté pour retrouver son rafiot dans cette forêt de mâts : un coup de fil et moins de trente minutes d’attente suffisent pour déclencher la valse des élévateurs. On peut alors prendre le large, qu’on soit un fana des sorties en mer ou un plaisancier dilettante, qui ne sort son voilier que trois fois par an.
Quant aux tarifs, ils sont proches de ceux des ports à flot. Comptez ainsi entre 1 400 et 4 000 euros l’année pour une place dans le port à sec de Saint-Philibert (Morbihan), contre 1 300 à 6 700 euros pour le port de plaisance de la commune voisine, la Trinité-sur-Mer. Economie limitée, donc, pour l’usager. Mais pour le financeur, l’affaire est bigrement plus intéressante : l’investissement est en moyenne dix fois moins élevé que pour un port traditionnel. L’extension de celui de La Rochelle (Charente-Maritime) va ainsi coûter 42 millions d’euros, quand la construction du port de Frossay s’élève à 5 millions d’euros. D’où le boom de ces ports depuis une dizaine d’années. On en compte aujourd’hui une quarantaine en France, et un autre verra le jour dès le printemps prochain, à Lorient (Morbihan).
Clients par dépit
Avec 7 % des places existantes, les ports à sec restent minoritaires, mais le marché est en pleine expansion, car ils répondent à un besoin réel. Depuis une quinzaine d’années, les plaisanciers font face à une pénurie récurrente d’emplacements. Même si la tendance est à la baisse depuis quatre ans, 20 000 à 60 000 personnes seraient toujours sur liste d’attente, en particulier sur les côtes bretonnes et méditerranéennes. Faute d’anneau, les plaisanciers se reportent donc vers la terre, renonçant au déjeuner du dimanche sur leur navire amarré au ponton. « La majeure partie de nos clients sont chez nous par dépit, reconnaît Bernard Rondot, le président de l’association France port à sec, qui regroupe treize ports à sec de la côte atlantique. Mais quand les plaisanciers ont enfin une place à flot, certains restent ici. »S’ils changent d’avis, c’est parce qu’ils font de sérieuses économies… sur les bateaux eux-mêmes : ils vieillissent mieux et réclament moins d’entretien. Peu exposés à l’eau, source d’usure pour la coque, et aux algues qui s’y accrochent, ils ne requièrent plus l’utilisation d’antifouling. Une bonne nouvelle, car cette peinture antisalissure, composée de biocides, est très polluante. Alors, les ports à sec sont-ils la solution idéale ? Pas tout à fait. Certains, comme celui de Dieppe (Seine-Maritime), réhabilitent des friches portuaires. Mais d’autres jouxtent des espaces naturels. Le port de Frossay se situe ainsi sur l’estuaire de la Loire, où se côtoient un énorme espace industriel et une large zone humide, classée zone de protection spéciale et zone de conservation. Les associations écologistes se sont longuement et vivement opposées au projet, mais au bout de onze années de procédures, le port a finalement vu le jour, avec le soutien des élus, qui espèrent y créer un pôle des énergies marines renouvelables.
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