Un jeudi après-midi d’avril, dans la banlieue de Nantes (Loire-Atlantique). Les employés du dépôt de presse de la SAD s’apprêtent à poser le verrou sur la grille qui ceint l’aire de traitement des journaux et magazines invendus. N’entre pas qui veut, car pour tout éditeur, les invendus – on dit aussi le « bouillon » – sont estampillés secret défense. Ici, une équipe d’ouvriers trie quotidiennement les dizaines de tonnes retournées par les 500 marchands de journaux de Nantes et de ses environs.
Les lots arrivent dès potron-minet. Ficelés ou empaquetés, ils s’entassent en amont de la zone de tri dans des conteneurs métalliques. Tout ce qu’un marchand de journaux brasse se trouve ici : du papier et bien davantage. On trouve, pêle-mêle, un lot d’atlas sur la cuisine ; des albums de coloriage aux couleurs de Mickey ; des DVD coquins ; des magazines pour adolescentes ensachés dans un film plastique contenant également un vernis à ongles et un lot de friandises… Dans le jargon de la presse, on appelle ces derniers des « plus produits ».
De la benne à la boîte à œufs
Une part des invendus est triée et retournée aux éditeurs. Une autre – la majorité – emprunte un tapis roulant et finit sa course dans l’une des bennes métalliques jumelles posées à l’extrémité de la clôture grillagée. Près de 45 tonnes de papier et plus produits sont ainsi jetées quotidiennement. Chaque jour, le camion d’une société de recyclage mandatée par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) enlève les bennes du dépôt de Nantes. Leur chargement sera transformé en cartons, emballages, boîtes à œufs, journaux ou papier toilette. Ou incinéré, voire enfoui.En France, 200 000 tonnes de journaux invendus – un milliard d’exemplaires – seraient traités chaque année par les NMPP. Il faut y ajouter ceux du réseau des MLP (Messageries lyonnaises de presse). Le taux moyen d’invendus est annoncé à 40 % pour les 3 500 journaux commercialisés par les NMPP. En clair, 4 journaux imprimés sur 10 ne trouvent pas preneur.
Gonfler les piles
Gaspillage ? Certes, les contraintes de la distribution de journaux expliquent en partie ce phénomène. Mais pour augmenter leurs chances de vente, les éditeurs sont tentés de multiplier les points de diffusion et de gonfler les piles qu’ils livrent aux marchands de journaux. Plus celles-ci enflent, plus les chances de toucher le lecteur grandiraient… ainsi que celles de générer des invendus. Pour mettre fin aux abus, les NMPP incitent les éditeurs à calculer au plus juste les quantités de journaux mises en kiosques.Et Terra eco dans tout cela ? Au risque de crouler sous l’avalanche de courriers vengeurs, disons-le tout net : nous n’échappons pas à la règle. Selon nos estimations, en réglant nos invendus au plus juste, nous produirons dans l’année qui vient un minimum de 40 tonnes de papier en pure perte : de la forêt au recyclage, en passant par les usines de notre papetier, par le transport – en camions – des palettes de papier, par notre imprimeur, par votre marchand de journaux, etc… Ceci est la réalité de tout éditeur de presse.
Alors, que faire ? Reprendre les invendus pour les redistribuer, lors de salons par exemple ? Des éditeurs le font. Pour le moment, nous privilégions la solution classique : laisser nos invendus filer dans le circuit du recyclage professionnel, plutôt que générer des stockages coûteux et des transports supplémentaires – émetteurs de gaz à effet de serre – si nous les reprenions. Mais pour y voir clair, nous allons surtout mesurer l’impact environnemental des deux solutions.
Reste, enfin et heureusement, la question des exemplaires que vous achetez. Que faire de « votre » Terra après lecture ? Notre conseil : conservez-le. Vous pourrez, un jour, exhiber fièrement votre collection au coin du feu. Solution alternative : offrez-le après lecture. Les informations que nous diffusons profiterons à tonton Bernard, qui l’offrira à son tour à mamie Ursule. Et vous deviendrez un maillon de la chaîne du recyclage… de l’information.
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-* En France, depuis la « loi Bichet » de 1947, tout éditeur peut demander la diffusion de son titre en n’importe quel point du territoire.- 140 000 tonnes, c’est le poids total des journaux et magazines traités chaque année par une dizaine de sociétés spécialisées.
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