|Mise à jour du lundi 15 avril : A Florange, les derniers hauts-fourneaux doivent être éteints ce lundi soir.|
La direction d’ArcelorMittal l’a annoncé ce lundi : sauf miracle et repreneur inespéré, les hauts-fourneaux de Florange n’enverront plus leurs nuages gris rejoindre le ciel. La surprise fut de peu d’envergure : les cheminées de ce bout de Lorraine étaient à l’arrêt depuis quatorze mois. Reste que désormais, 629 salariés craignent d’aller grossir les files d’attente des Pôles emplois de la région. Mais au-delà du désastre social, s’impose la réalité économique et écologique d’un secteur peu durable. Décryptage en 5 points.
1) L’acier, on en consomme moins
C’est l’argument brandi par Lakshmi Mittal, le pédégé du groupe, face aux protestations du gouvernement. Pas tout à fait faux. Selon un rapport de Pascal Faure remis au gouvernement en juillet, la consommation d’acier en France « s’est maintenue à un niveau environ 25% inférieur à celui de sa moyenne sur la période 2003-2008 ». Des tendances qui reflètent une réalité commune à tous les pays européens.
Automobile, construction, mécanique… au détour de la crise, les secteurs gourmands en acier se sont fait moins gloutons. « La consommation d’acier étant particulièrement liée à l’activité économique, les incertitudes sur l’évolution du PIB européen affectent fortement les prévisions [des analystes] », souligne encore Pascal Faure dans son rapport. Or, les échanges internationaux d’acier restent relativement limités. Aussi, lorsque la consommation chute localement, les sites se doivent-ils de limiter les montagnes de tonnes produites ou de tirer le rideau de fer. ArcelorMittal a opté pour la seconde option. 16 des 25 hauts-fourneaux du groupe sur le continent européen sont aujourd’hui fermés pour une durée indéterminée, 2 (à Liège, en Belgique) le sont définitivement.
2) La sidérurgie, ça consomme énormément
A lui seul, le secteur engouffre chaque année 3% de l’énergie consommée dans tout l’Hexagone, selon un document de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). En 2010, il aurait ainsi englouti 5 millions de tonnes d’équivalent-pétrole (tep) (contre 12,5 en 1973). C’est énorme : le total suffit à parcourir 88 milliards de kilomètres en Renault Twingo, soit tout de même 2 millions de fois le tour de la Terre. Son énergie, selon un autre document de l’Insee paru en 2001, il la puise au cœur de combustibles fossiles – charbon et coke de houille – à 64%, au robinet électrique (28%) ou alimenté par du gaz naturel (7%). Une gourmandise qui coûte cher au secteur puisque l’énergie pèse pour 30% de la facture finale de la production d’acier.
3) Et ça coûte bonbon
« Les installations à chaud des usines sidérurgiques, et surtout le haut-fourneau et la cokerie (qui transforme le charbon en coke, ndlr) sont des investissements coûteux et complexes (plusieurs centaines de millions d’euros pour un haut-fourneau neuf, entre 50 et 100 millions d’euros pour la réfection d’un haut-fourneau) », précise Pascal Faure dans son rapport.
4) Les hauts-fourneaux, ça recrache un max
Selon une étude du Boston Consulting Group de 2009 reprise par la Tribune, le secteur cracherait à lui seul 3% à 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Et ce, malgré d’importants efforts des acteurs : depuis 1990, ils auraient réduit leurs émissions de CO2 par tonne d’acier produite de 17% !
Pour améliorer encore l’étiquette carbone du site de Florange, un projet de captage et de stockage de CO2 avait été mis sur la table et attendait l’aval (et les sous) de Bruxelles. La fermeture du site risque d’enterrer définitivement le fameux Ulcos. Dommage. « Ne pas faire Ulcos est une erreur stratégique fondamentale. Elle va complètement fragiliser la sidérurgie européenne. Celle-ci va même perdre dans le futur des parts de marché. De nos jours, il est impossible de ne pas prendre en compte les émissions de CO2 de l’industrie », a confié Jean-Louis Pierquin, ancien cadre dirigeant d’ArcelorMittal au Républicain Lorrain.
5) Et après, on fait comment ?
Qu’adviendra-t-il maintenant du site de Florange ? Le gouvernement a soixante jours pour dégoter un repreneur. Et sinon ? Il faudra dépolluer le site et débourser de folles sommes. Si l’on prend pour référence des estimations fondées sur des expériences précédentes et citées par Le Monde diplomatique, la dépollution coûterait au moins 220 euros par mètre carré s’il s’agit d’accueillir sur le site d’autres activités économiques et 330 euros par mètre carré si Florange voit pousser sur les ruines des vieux hauts-fourneaux, des logements. Soit entre 1,2 milliard et 1,8 milliard d’euros pour remettre à flot les 550 hectares du site.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions