Media Circus, tant que dureront les médias jetables |
Par Walter Bouvais |
Le Grand huit, à califourchon sur ma Peugeot |
Les télescopages de l’actualité provoquent souvent des croisements fertiles. En Belgique, des représentants des stations balnéaires et de parcs d’attractions protestent contre le traitement trop « pessimiste » des prévisions météorologiques, par les médias et par le site www.meteobelgique.be. Le problème, selon eux : à force d’annoncer une météo maussade, l’on finit par décourager les touristes et par mettre en danger toute une filière économique et ses emplois.
Les professionnels de la profession demandent donc que les médias ne parlent plus d’« éclaircies » mais de « soleil ». Ils livrent à l’appui de ce curieux raisonnement des statistiques précises : les huit premiers jours de juillet ont connu
« 87,5% d’heures sèches et 12,5% d’épisodes pluvieux ».
Juste pour taquiner, l’on pourrait transformer l’expression politiquement correcte « épisodes pluvieux » en « pluie », et l’on s’étonnerait alors de l’excès d’optimisme des médias qui continuent à parler d’éclaircies quand ils pourraient évoquer des « averses ». Car ce n’est pas en changeant le nom de la pluie qu’on obtiendra qu’elle arrête de tomber.
En France, c’est Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui s’essaie aux prévisions météologico-industrielles. Invité de France Inter ce 12 juillet, il déplore la casse sociale chez PSA : 8.000 suppressions de postes, comment ne pas s’en attrister. Les micros se tendent, la classe politique s’indigne et même M.Varin, le président de PSA affiche une mine contrite.
Reste l’explication de M.Thibault, et elle vaut le détour : à force de pratiquer la modération salariale, les entreprises grèvent le pouvoir d’achat des ménages, qui renoncent ainsi à acheter des voitures, mettant en danger une filière riches en emplois. Implacable.
Sauf que... Avons-nous vraiment besoin d’acheter autant d’automobiles, ou plus précisément, puisque notre marché est mature, d’en changer si souvent ? Combien coûte la surpopulation automobile dans les villes, entre les espaces fonciers immobilisés et les journées de travail ou de loisir perdues dans les embouteillages ? Que coûtent les particules fines des moteurs diesels – domaine d’excellence de l’automobile made in France – à nos voies respiratoires et aux caisses de la Sécu ? A quelle hauteur l’industrie est-elle subventionnée ? Combien les primes à la casse en tous genres, balladurettes, jupettes, etc. ont-elles coûté à nos finances publiques (2 milliards d’euros pour la dernière vague) ? Lorsque les États-Unis et l’Europe ont soutenu à bout de bras le secteur automobile en 2008 et 2009, quelles innovations écologiques ont été demandées et obtenues en retour ? Le « modèle » industriel allemand, partiellement bâti sur l’exportation massive de berline à grosses cylindrées et à « énormousses » émissions de gaz à effet de serre, est-il écologiquement aussi porteur qu’il serait économiquement rentable ?
En résumé, si l’on mettait objectivement ces données dans la balance, n’aurions-nous pas intérêt à provoquer au plus vite une mutation sans précédent de l’industrie automobile : non plus tournée vers la propriété de la voiture mais vers un service écologique répondant à nos besoins – raisonnés – de mobilité ? Malheureusement, ces questions n’ont aucune chance d’émerger du cirque politico-médiatique qui s’enclenche et, soyons-en certains, va s’emballer dans les jours qui viennent.
L’automobile, c’est comme la météo. On sait que le prix des carburants va fortement augmenter et l’on imagine encore que notre économie pourra faire avec. On sait que les émissions de CO2 liées à nos transports vont provoquer de lourds changements climatiques. La météo de ces jours-ci nous offre une parfaite illustration de la fragilité de nos modèles économiques et sociaux, très dépendants aux aléas climatiques. Pourtant, au lieu de s’engager dans des voies alternatives et créatrices d’emplois elles aussi, on continue de porter notre héritage à bout de bras, de brandir coûte que coûte – et qu’est-ce que ça coûte ! – les recettes du passé.
Proverbe du jour en guise d’avertissement : si à la Saint-Jacques la France propose une nouvelle prime auto, à la Saint-Glinglin nos parcs d’attractions prendront l’eau.
Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net Suivez-moi sur twitter : @dobelioubi Mon blog Media Circus : Tant que dureront les médias jetables |
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