Indicateurs de Développement Durable |
Par Anne Musson |
5-01-2012
|
2012 : De l’indice de compétitivité mondiale à l’indice de compétitivité durable |
Bonne nouvelle, 2012 sera peut être l’année de son émergence. En effet, après les divers travaux scientifiques arguant la nécessité de construire de nouveaux indicateurs (en tête desquels ceux de la Commission Stiglitz), ce sont les « constructeurs » eux-mêmes qui s’emparent du débat. Après divers essais de la part de l’INSEE, c’est le Forum économique mondial qui introduit un véritable changement.
L’organisation internationale, connue pour le rassemblement annuel de Davos, construit, depuis 1979, l’Indice de compétitivité mondial (GCI), et, dans son dernier rapport, affirme clairement qu’en 2012 il deviendra l’Indice de compétitivité durable (SCI). La vidéo suivante, présentant les principaux résultats, expose cette détermination.
Jusqu’à aujourd’hui, le GCI, bénéficiant d’un fort écho de par le monde entier, mesurait la compétitivité d’un pays, définit comme « l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs déterminant le niveau de productivité d’un pays », à travers de nombreux indicateurs, dont il est tiré une moyenne pondérée. Demain, le SCI évaluera « l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs déterminant le niveau de productivité d’un pays en permettant d’assurer les besoins des générations suivantes ». Le Forum économique mondial considère ainsi que « la relation entre compétitivité et développement durable est cruciale », et qu’il est urgent de considérer l’attractivité sur le long-terme ainsi que prendre en compte les « menaces » sociales et environnementales qui pèsent sur les activités actuelles. Il est ainsi expliqué, sur fond de Printemps Arabe, que le GCI ne prend pas en compte la frustration d’une jeunesse diplômée mais sans avenir professionnel…alors que c’est un phénomène important, voir prépondérant lorsqu’il constitue le socle d’une révolution, de l’attractivité et de la compétitivité d’un pays.
Dans le dernier rapport, paru il y a quelques mois, le Forum Économique Mondial nous présente l’ébauche de son nouvel indicateur. Le tableau ci-dessous détaille la structure de celui-ci, la police en italique signalant les variables apparues dans le SCI, non présentes dans le GCI.
Capital Humain | Conditions de Marché | Technologie et Innovation | Environnement politique | Environnement physique |
---|---|---|---|---|
Santé et éducation primaire | Efficacité du marché du travail | Activités technologiques | Institutions | Efficacité de l’utilisation des ressources |
Enseignement supérieur et formation | Sophistication du marché financier | Sophistication du secteur des entreprises | Environnement macro-économique | Management des ressources renouvelables |
Cohésion Sociale | Taille du marché intérieur | Innovation | Politique environnementale | Dégradation environnementale |
Efficacité du marché des biens |
Dans cette première étape, la volonté est claire d’intégrer ce qui relève des trois piliers du développement durable : l’économie, le social, l’environnement ; la progression de l’un sans compromettre le développement d’un autre assurant la progression de la compétitivité durable d’un territoire. Le Forum Économique Mondial précise que les difficultés sont nombreuses, et que l’évaluation de certains phénomènes, absente de ce premier jet, est à l’étude. On parle alors de l’incidence de la violence politique ou des guerres civiles, des imperfections de marché comme les phénomènes de « bulles », des désastres naturels, de la destruction de la couche d’ozone, de la sécurité alimentaire ou encore de la protection des travailleurs. La difficulté à « mesurer » ces phénomènes et l’absence de données sont alors évoquées.
L’arrivée du GCI nouvelle formule, devenu SCI, a rapidement été suivie par l’élaboration d’un nouveau classement des pays, notés selon leur compétitivité durable. Pour ce premier essai, le Forum Economique Mondial a considéré 100 pays (contre 142 pour le GCI), et, si les différences de classement ne sont pas aussi flagrantes que nos comparaisons (cf. précédent post), des modifications significatives sont déjà observables. La 4ème colonne du tableau nous informe sur le changement de classement. Si les 4 premiers pays (Suisse, Singapour, Suède, Finlande) conservent leur performance et leur position, 35 pays sur 100 voient leur classement se modifier de plus de 10 places ! Parmi ces derniers, 18, dont les États-Unis et la Chine, dégringolent dans le classement pendant que 17 pays, tels que le Costa-Rica ou le Kenya, font un bond en avant. Ces résultats vont dans le sens de nos précédentes conclusions : prendre en compte le développement durable dans l’évaluation de la compétitivité handicape, selon une tendance générale, les pays économiquement les plus développés et met en valeur les autres, ayant souvent un moindre impact sur l’environnement. La grande avancée, ici, réside dans le véritable remplacement du GCI par le SCI : on ne se situe plus dans le domaine de ce qu’il faudrait faire, mais bien dans le domaine de l’opérationnel.
Comme cela est précisé tout le long du chapitre du “Global Competitiveness Report 2011-2012” consacré au SCI, ce travail est un préalable à la véritable parution, cette année, du SCI en lieu et place du GCI : nous attendons donc avec impatience la prochaine publication du Forum Economique Mondial. Vive 2012 !
Docteur en économie et écologie humaine Maître de Conférences en économie |
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions