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30-10-2008

Pourquoi les banques disent toujours banco

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Crise après crise, les banques jouent, l’Etat assure, les contribuables trinquent. La finance durable, ce n’est sans doute pas pour demain.
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Promis, juré, on ne les y reprendrait plus. C’est ce qu’assuraient, au lendemain du krach immobilier de 1991, des banques meurtries par le passage de l’ouragan. Finis les crédits aux chômeurs sans le sou et le méli-mélo complexe des transactions. Oui à la prudence et à la transparence. Autant de bonnes résolutions qui durèrent le temps d’un bâillement de trader. Dès 2000, la Commission bancaire chargée de contrôler les établissements de crédits en France tire le signal d’alarme : « Une accélération de certaines variables […] pourrait entraîner des comportements imprudents de la part des banques et une crise. » La prophétie ne tarde pas à croiser le réel. Très vite, les banques recommencent à distribuer de l’argent tous azimuts, entraînées par une valse de profits immodérés. « Tant que la musique joue, vous devez vous lever et danser », justifiait récemment Charles Prince, l’ex-patron de Citigroup.

Sauf que le disque a fini par buter sur les subprimes. On connaît les victimes. Elles s’appellent Dexia, Merrill Lynch ou Lehman Brothers. Autant de banques mises en faillite, rachetées par des consoeurs ou rattrapées au collet par leur gouvernement. Fin de la danse. Un capital saucissonné Mais comment ces poids lourds du secteur en sont-ils arrivés là ? C’est que personne n’avait vraiment intérêt à garantir leur survie. D’autres, assuraiton, seraient là pour s’en charger. Indispensables passeurs de fonds, amassant d’une main le pactole des épargnants, reversant de l’autre des liquidités à leurs créditeurs, les banques sont essentielles au fonctionnement de la société moderne. Alors, quand la faillite menace, l’Etat court tout naturellement à leur secours. « Pour que le système fonctionne, il faut que les particuliers fassent confiance aux banques, souligne Thomas Kirchmaier, professeur à la Manchester Business School et expert de la gouvernance des entreprises. Il faut donc qu’il existe une loi implicite selon laquelle la banque paiera toujours. » Ou, à travers elle, l’Etat.

Mais cette garantie a un effet pervers. Car, rassurées par l’airbag gouvernemental, les banques s’empressent de remiser au placard les règles élémentaires de la prudence. Pis, à tous les échelons de l’entreprise, les protagonistes sont même encouragés à jouer risqué. Les actionnaires d’abord. Contrairement à celui des grandes entreprises, le capital des grandes banques est souvent saucissonné en une infinité de petites tranches.

Or « les petits actionnaires ont davantage intérêt à prendre des risques que ceux qui détiennent 10 % ou plus du capital », décrypte Thomas Kirchmaier. Peu impliqués, sans attachement moral ou affectif à l’entreprise et détenteurs d’un nombre de jetons limités, ils perdent peu sur le tapis financier en cas de banqueroute. Parachutes dorés ou coups de bâton ? Le tableau ne s’arrange pas aux autres étages. Prenons les décideurs, par exemple. « Lors d’une étude sur les conseils d’administration de banques majeures, nous avons remarqué que la plupart n’avaient aucun banquier dans leurs rangs », pointe Thomas Kirchmaier. Parmi les dix membres du conseil d’administration de Lehman Brothers, placée en redressement judiciaire en septembre, on compte neuf retraités dont un ancien producteur de théâtre et un ex-amiral de la marine.

Seules deux figures affichaient à leur CV une quelconque expérience des services financiers. Trop peu pour surveiller de près les transactions de l’entreprise et tirer, en temps voulu, la sonnette d’alarme. Vient ensuite l’étage des dirigeants. A priori, ceux-là n’ont pas intérêt à voir la boutique prendre l’eau. Sauf qu’intéressés au cours boursier de la société, ils sont aveuglés par un écran doré. Et jouent leurs cartes sur des positions aussi profitables que risquées. D’autant qu’en cas d’échec ils risquent plus de recevoir un confortable parachute – doré – qu’un coup de bâton sur les reins. Aux Pays-Bas, c’est ainsi un chèque de 28,2 millions d’euros qui attendait à la sortie le patron d’ABN Amro rachetée par un consortium européen.

Reste le coin enfiévré des traders. Là encore, « ils touchent leurs bonus en fin d’année. Leur rémunération est donc fondée sur une performance à court terme », souligne Bertrand Jacquillat, professeur à Sciences-Po Paris et président d’Associés en finance. Mieux, ils ne font pas souvent de vieux os sur les bancs d’une même société et récoltent rarement les raisins de leur semence financière. « Pile, ils gagnent, et face, ils ne perdent pas », résume Bertrand Jacquillat.

Le chat timide et la souris habile

Dans cet univers où personne n’a vraiment intérêt à sauver le navire, la moindre tempête économique a des chances de finir en naufrage. « C’est l’échec de la gouvernance  », souligne Thomas Kirchmaier. A moins que les régulateurs – comme l’Autorité des marchés financiers en France ou la SEC aux Etats-Unis – n’entrent dans la danse (lire ci-contre). Problème  : « Ces derniers ont toujours un temps de retard sur les marchés, souligne Thomas Kirchmaier. Quand ils finissent par imposer des règles, c’est comme s’ils incitaient les marchés à trouver un moyen de les contourner. » Dans ce jeu du chat timide et de l’habile souris, « les régulateurs ne peuvent pas avoir un oeil sur chaque transaction. Ils sont donc obligés de supposer que les banques font du bon travail ». La récente crise semble avoir dissipé l’illusion. Reste à espérer que la fin du désastre signera un changement des comportements. « Fini le risque-tout à courte échéance. Oui à l’investissement plus durable sur les marchés… », se prête-t-on à rêver. Impossible, tranche Bertrand Jacquillat : « La loi du Fear and Greed, de l’alternance de périodes de grande peur et d’avidité, continuera à régner. » Sûr qu’on reprendra encore nos banquiers à danser sur le pont d’un navire en détresse. —

De nouvelles règles d’or Obligés de constater l’échec du laisser-faire, les Etats se mêlent aujourd’hui de la gouvernance des banques. Au palmarès des propositions : une limite imposée sur les gains des acteurs du secteur. « Pourquoi des personnes seraient autorisées à gagner 15 ou 20 millions d’euros par an ?, s’interroge Richard Portes, professeur à la London Business School. Il faudrait introduire une nouvelle tranche d’imposition pour ces très hauts revenus. Cela existe en Suède et ça n’a pas fait sombrer l’économie du pays pour autant. » Mais pour Bertrand Jacquillat, professeur à Sciences-Po, « c’est idiot. Ce type de contrôle n’a jamais marché ».

Selon lui, mieux vaudrait imposer le gel des bonus annuels dans un portefeuille de stock-options pendant une durée donnée, histoire d’encourager des comportements profitables à long terme. Enfin, au détour des différents renflouements bancaires, les Etats envisagent d’obliger les banques à garder en réserve un stock de capitaux suffisant pour absorber les aléas du marché des crédits. Mais une chose est sûre, sur le volet de la régulation, les gouvernements ont tout intérêt à accorder leurs violons. « Si la France impose une limite aux gains des traders, ils viendront faire leur beurre en Angleterre. Et si le Royaume-Uni suit l’exemple français, ils iront au Luxembourg », souligne Richard Portes.

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