Si les bas ne se filaient pas, une seule paire suffirait pour une vie entière. Deux ans pour un téléphone portable, cinq ans pour une voiture, dix-huit mois pour un gadget électronique : la durée de vie des produits qui nous entourentraccourcit. Appareils photo, lecteurs MP3, ordinateurs portables… Au bout de deux ans, les gadgets informatiques n’ont plus assez de mémoire. Leur batterie faiblit. Leur style s’étiole. Quant aux autres produits, ils sont usés, cassés ou ont un goût de périmé. Tout le monde a déjà ressenti une tenace envie de les remplacer alors qu’ils sont en parfait état de marche. Ce sentiment est dicté par une pratique marketing secrète, l’obsolescence programmée. En clair, le fabricant prévoit plus ou moins la mort de son produit, ou le conçoit de manière à ce qu’il soit irréparable, donc jetable et immédiatement remplaçable. Ce n’est pas un scoop mais un secret que peu d’industriels acceptent de partager.
Ces durées de vie ne sont pas choisies au hasard. En matière d’informatique, dix-huit mois correspondent exactement à la loi de Moore. Cet ingénieur – un des fondateurs d’Intel – avait prédit à la fin des années 1950 que la capacité, la vitesse et la puissance des microprocesseurs doubleraient tous les dix-huit mois. Cette prédiction étonnamment exacte fait le régal des fabricants informatiques. Ainsi, tous les dix-huit mois, votre ordinateur devient obsolète.
Mais heureusement, un nouveau matériel plus performant peut le remplacer. L’obsolescence s’applique aussi aux logiciels. A force de programmer des applications de plus en plus gourmandes en mémoire et en puissance, les développeurs rendent le matériel archaïque. « La version Vista (Microsoft, ndlr) devrait rendre “ has been ” plus de 90 % du parc informatique mondial », estime Michael Starkey, chargé de campagne au sein de la Silicon valley toxics coalition (SVTC), une ONG qui se bat contre les effets polluants de l’industrie informatique.
Au cours de son évolution, le logiciel Windows s’est toujours appuyé sur trois principes de marketing : devenir indispensable, devenir indispensable à tout le monde et saturer le marché. « Nécessairement, Microsoft ne peut pas vendre des produits durables, à moins de mettre la clef sous la porte », ironise Dominique Barchiesi, professeur à l’université de technologie de Troyes (UTT), en charge également d’une chaire d’écologie industrielle. En procurant une durée de vie infinie à leurs produits, les fabricants se tireraient une balle dans le pied. « Quand le marché est saturé et que les ventes baissent, la messe est dite », poursuit l’enseignant qui a travaillé avec de nombreux industriels (électroménager, logiciels...).
Un iPod pour le prix d’une batterie
Mais tout cela est fait, paraît-il, pour répondre aux besoins du consommateur. Pour les industriels et les fabricants, les goûts de ce dernier, volatils, poussent sans cesse à l’innovation. « L’obsolescence de nos produits est très rapide du fait de l’élévation constante du niveau d’exigence des clients », assure le service marketing d’Apple. Est-ce le niveau d’exigence des clients qui a poussé la marque à la pomme à « optimiser » la performance des batteries de ses iPod ?Celles-ci flanchent parfois au bout de douze, voire dix-huit mois, mais seul Apple peut les changer, moyennant 69 euros. La moindre réparation, par ailleurs, coûte entre 150 et 250 euros selon le modèle. Ce sont exactement les gammes de prix des modèles dernier cri.
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