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4-10-2007
Mots clés
Marques, Marketing
France

Des objets programmés pour mourir

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Acheter, jeter, acheter… Les industriels conçoivent des produits à la durée de vie de plus en plus limitée. L’obsolescence programmée est l’un des moteurs de la consommation.
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Si les bas ne se filaient pas, une seule paire suffirait pour une vie entière. Deux ans pour un téléphone portable, cinq ans pour une voiture, dix-huit mois pour un gadget électronique : la durée de vie des produits qui nous entourentraccourcit. Appareils photo, lecteurs MP3, ordinateurs portables… Au bout de deux ans, les gadgets informatiques n’ont plus assez de mémoire. Leur batterie faiblit. Leur style s’étiole. Quant aux autres produits, ils sont usés, cassés ou ont un goût de périmé. Tout le monde a déjà ressenti une tenace envie de les remplacer alors qu’ils sont en parfait état de marche. Ce sentiment est dicté par une pratique marketing secrète, l’obsolescence programmée. En clair, le fabricant prévoit plus ou moins la mort de son produit, ou le conçoit de manière à ce qu’il soit irréparable, donc jetable et immédiatement remplaçable. Ce n’est pas un scoop mais un secret que peu d’industriels acceptent de partager.

Ces durées de vie ne sont pas choisies au hasard. En matière d’informatique, dix-huit mois correspondent exactement à la loi de Moore. Cet ingénieur – un des fondateurs d’Intel – avait prédit à la fin des années 1950 que la capacité, la vitesse et la puissance des microprocesseurs doubleraient tous les dix-huit mois. Cette prédiction étonnamment exacte fait le régal des fabricants informatiques. Ainsi, tous les dix-huit mois, votre ordinateur devient obsolète.

Mais heureusement, un nouveau matériel plus performant peut le remplacer. L’obsolescence s’applique aussi aux logiciels. A force de programmer des applications de plus en plus gourmandes en mémoire et en puissance, les développeurs rendent le matériel archaïque. « La version Vista (Microsoft, ndlr) devrait rendre “ has been ” plus de 90 % du parc informatique mondial », estime Michael Starkey, chargé de campagne au sein de la Silicon valley toxics coalition (SVTC), une ONG qui se bat contre les effets polluants de l’industrie informatique.

Au cours de son évolution, le logiciel Windows s’est toujours appuyé sur trois principes de marketing : devenir indispensable, devenir indispensable à tout le monde et saturer le marché. « Nécessairement, Microsoft ne peut pas vendre des produits durables, à moins de mettre la clef sous la porte », ironise Dominique Barchiesi, professeur à l’université de technologie de Troyes (UTT), en charge également d’une chaire d’écologie industrielle. En procurant une durée de vie infinie à leurs produits, les fabricants se tireraient une balle dans le pied. « Quand le marché est saturé et que les ventes baissent, la messe est dite », poursuit l’enseignant qui a travaillé avec de nombreux industriels (électroménager, logiciels...).

Un iPod pour le prix d’une batterie

Mais tout cela est fait, paraît-il, pour répondre aux besoins du consommateur. Pour les industriels et les fabricants, les goûts de ce dernier, volatils, poussent sans cesse à l’innovation. « L’obsolescence de nos produits est très rapide du fait de l’élévation constante du niveau d’exigence des clients », assure le service marketing d’Apple. Est-ce le niveau d’exigence des clients qui a poussé la marque à la pomme à « optimiser » la performance des batteries de ses iPod ?

Celles-ci flanchent parfois au bout de douze, voire dix-huit mois, mais seul Apple peut les changer, moyennant 69 euros. La moindre réparation, par ailleurs, coûte entre 150 et 250 euros selon le modèle. Ce sont exactement les gammes de prix des modèles dernier cri.

Objectif : changer

Qui, de la poule ou de l’oeuf, a commencé ? « N’inversons pas les rôles, analyse Dominique Barchiesi, le client ne réclame pas autre chose, on lui propose sans cesse autre chose. Ce qui est différent. » L’enseignant raconte aussi ce qu’on ne propose pas aux consommateurs : des CD et des DVD qui ne se rayent jamais, des peintures qui ne s’oxydent pas, des moteurs incassables. En électroménager, les pièces en PVC solidifié, plus fragiles avec le temps, ont peu à peu remplacé le métal. « Quand le polymère vieillit, il durcit, donc il devient cassant, explique le chercheur. Pourtant, les ingénieurs savent ralentir le vieillissement du polymère. » La technologie n’est donc d’aucun recours si elle allonge la durée de vie des choses. « On ne cherche pas à avoir un produit qui dure, on cherche un optimum entre sa durée de vie, sa rentabilité et le satisfecit du client. »

Cassés et irréparables

Dernier volet de l’obsolescence, l’impossibilité de réparer. Soit parce que c’est impossible, soit parce que c’est trop cher. Les faibles coûts de production, notamment en Chine – « où un ouvrier coûte 23 fois moins cher qu’en France », détaille Dominique Bourg, philosophe, à l’origine de la chaire d’écologie industrielle à l’UTT –, rendent toute réparation incomparablement plus onéreuse qu’un nouvel achat. Au sein des bureaux d’étude, un consultant confie, un peu embarrassé, que la logique est plutôt au remplacement des produits. « La notion de recyclage est dans l’air du temps, mais est loin d’être une réalité industrielle. Nous devons concevoir des produits dont le coût de production sera très faible, donc forcément, il n’y a aucun intérêt financier à les réparer. »

Service plutôt que produit

Un témoignage confirmé par Jean-François Dingjian, professeur à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle à Paris : « Nous enseignons aux futurs concepteurs à fabriquer des produits qui se jettent moins, mais les industriels exigent des produits qui, une fois cassés, ne se réparent pas. » Pour sortir de cette pratique, l’écologie industrielle explore de nouvelles voies (lire aussi page 13). « Le but recherché est de réduire les flux de matières et d’énergie qui sous-tendent nos économies et dont la croissance indéfinie n’est pas durable, explique Dominique Bourg. On privilégie alors la vente de services plutôt que celle de produits. Si la vente des produits exige leur obsolescence programmée, celle des services peut s’accompagner de leur durabilité. »
Sources de cet article

- L’ONG Silicon valley toxics coalition

- L’université de technologie de Troyes

- Le pôle français d’écologie industrielle

- L’Ecole nationale supérieure de création industrielle :

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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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