Homo urbanus bidonvillus

(Par Michel Monette, bloggueur)

Pour la première fois de son histoire, l’humanité comptera, quelque part en 2007, autant d’urbains que de ruraux. Pour souligner l’événement, la Directrice du Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT ou PNUEH), Anna Tibaijuka, a déclaré à Nairobi que cette année marquera la naissance d’Homo Urbanus. Cette « espèce » humaine, au fait, n’est pas née d’aujourd’hui, mais elle aura finalement conquis le monde. Pour le meilleur, ou pour le pire ?

La Division de la population du département des affaires économiques et sociales (DESA) de l’ONU estime, dans ses chiffres revisés qu’elle vient de publier, que le monde passera de 6,7 milliards en juillet 2007 à 9,2 milliards d’habitants en 2050. La croissance se fera essentiellement dans les régions les moins développées (de 5,4 à plus de 7,9 milliards).

Non seulement cette population va-t-elle être de plus en plus urbaine (60% d’urbains en 2030, selon les dernières estimations disponibles), mais en plus, en chiffre absolu, la population rurale va atteindre un sommet en 2019 puis se mettra à décliner lentement.

Il y aura moins de ruraux en 2030 qu’en 2005.

L’urbanisation est, on s’en doute bien, différente dans les pays riches Technorati Tag World que dans les autres pays. Ainsi, les villes concentreront 81% de la population des pays développés, contre 56% dans le cas des autres pays, en 2030.

Una autre différence remarquable entre les villes des pays riches et celles des autres pays est l’existence des bidonvilles. Plus d’un milliard d’urbains, un peu moins du tiers de ceux-ci, vivent en ce moment dans des bidonvilles des pays en développement. Ce chiffre est appelé à doubler d’ici 2020, encore là essentiellement dans les pays en développement.

Il faut dire que ceux-ci vont absorber plus de 95% de la croissance urbaine mondiale au cours des 13 prochaines années.

Selon ONU-HABITAT, la situation des pauvres vivant dans les villes des pays en développement est, à bien des égards, pire que celle des pauvres des milieux ruraux.

Les rues des bidonvilles sont en très mauvais état, les installations sanitaires sont pratiquement inexistantes, l’eau courante aussi rare qu’un Américain se promenant seul dans la banlieue chiite de Bagdad, le taux de chômage affreusement élevé, peu d’enfants fréquentent l’école, les nécessités de base coûtent chers, bref tout ce qu’il faut pour miner le moral et la santé de ces populations.

Paradoxalement, migrer en ville n’est pas l’assurance d’une vie meilleure, au contraire, a constaté ONU-HABITAT.

En juin dernier, Anna Tibaijuka révélait, en réponse à une question d’un internaute sur BBC, que l’ONU venait à peine de réaliser que les besoins des pauvres vivant dans les villes des pays en développement étaient aussi élevés, sinon plus, que ceux vivant en milieu rural.

C’est tout un changement de cap, alors que les agences de l’ONU étaient jusqu’ici convaincues que la pauvreté était pire en milieu rural.

Ce qui pousse les ruraux vers les villes, c’est la destruction de leur mode de vie traditionnel, reconnaît Tibaijuka. Ce serait un moindre mal si leur venu dans les villes allégeait le fardeau de la pauvreté.

Mais il faudrait bien davantage, pour cela, que la main invisible.