Mise à jour du 16 février 2016 : Ce mardi, Thérèse Clerc, fondatrice de la maison des Babayagas, est décédée à l’âge de 88 ans. Avant l’ouverture de cette alter-maison de retraite en 2013, elle avait milité inlassablement pour les droits des femmes, notamment au sein du Mlac (Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception). Elle avait également créé l’université des savoirs sur la vieillesse, première université populaire sur la vieillesse. |
« Nous sommes le même genre de bonnes femmes. Des à qui on ne la fait pas. Issues de la génération qui a acquis le droit de vote, le droit à la contraception et à l’avortement. » Pétillantes, optimistes, féministes, trois « bonnes femmes » de 70 ans, aux cheveux blancs et aux sourires lumineux, racontent, enthousiastes, l’histoire d’une amitié et d’un projet à part. Celui d’une maison de retraite baptisée « La maison des Babayagas ».
« Je préfère cela à Mamie Nova ! », s’exclame Monique Bragard. Dans les contes slaves, les Babayagas désignent ces sorcières habitant des maisons en sucre qui dévorent les enfants ayant osé croquer leurs murs... « Baba » signifie grand-mère et « yaga », histoire. « Pas question que notre vie nous échappe, qu’elle finisse entre les mains de gentils animateurs qui nous obligent à chanter alors qu’on n’en n’a pas envie. » Alors pour éviter cette issue, Thérèse Clerc, fondatrice de la Maison des femmes de Montreuil évoque au milieu des années 1990 son idée de maison de retraite alternative à Suzanne Gouëffic, une amie orthophoniste. Quelques temps plus tard, les deux copines rencontrent Monique, artiste peintre à Montreuil, et l’embarquent à son tour dans l’aventure.
Panneaux solaires et tri sélectif
Près de dix ans s’écoulent avant que le rêve ne se concrétise. L’affaire est bouclée grâce à la mairie qui cède un terrain en plein centre-ville. C’est l’Office HLM qui joue les maîtres d’œuvre. Il s’apprête à construire, pour un budget de 2,6 millions d’euros, une maison composée de plusieurs salles communes et de dix-neuf studios. Autant de petits lieux de vie mis en location aux conditions du logement social. A noter que cet ensemble n’accueillera que des femmes seules, âgées de 60 à 80 ans. A charge pour elles, à tour de rôle, et toujours en duo, de prendre en charge les tâches collectives (gestion, ménage, etc.).
« Ce qui nous tient également à cœur, précise Monique, c’est d’être solidaires. Nous serons là pour nous épauler dans les gestes de la vie quotidienne, même dans les soins intimes. C’est pour cette raison et parce que le montant des retraites des hommes se trouvent être supérieures aux nôtres, que nous souhaitons réserver notre maison aux femmes. » De la même façon, si chacune des pensionnaires verse son loyer à l’office HLM, les cours de yoga ou de massage pris en commun sont payés proportionnellement aux revenus des pensionnaires. Car les Babayagas veulent ouvrir leur maison sur « le quartier et sur le monde ».
« Nous n’avons pas l’intention de mourir idiotes ! » Au programme : des conférences sur le féminisme, des concerts de world music ou encore des cours d’alphabétisation destinées aux femmes issues de l’immigration. « Jusqu’à notre dernier souffle, nous resterons des citoyennes. » Conscientes d’emprunter la planète aux générations futures. La maison sera ainsi édifiée dans un souci de respect de l’environnement, le cahier des charges prévoyant notamment la mise en place de panneaux solaires.
En attendant l’ouverture, prévue pour le début de l’année 2008, les trois copines organisent chaque mois un repas pour une première prise de contact avec des candidates. Car seulement dix-neuf mamies auront la chance de faire partie de l’aventure. L’expérience attire d’ailleurs la curiosité de l’étranger. Les Babayagas reçoivent ainsi des mails de personnes intéressées du Brésil et d’Inde... Prochaine étape : « Nous allons devenir un laboratoire mondial d’idées sur le vieillissement ! »
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