Bolivie : "Nous voulons reprendre nos profits"

On sent en Bolivie une incroyable cohésion et un soutien aux mesures de nationalisation des hydrocarbures décidée par le président Morales. Pourquoi ?

(Andres Soliz, ministre bolivien des hydrocarbures) - D’abord en raison de l’euphorie hors du commun du peuple bolivien qui sent que le pays a remis la main non seulement sur son gaz et son pétrole mais surtout qu’il a récupéré sa dignité et l’estime de lui-même. En Bolivie, c’est un processus de révolution nationale qui vient de se réouvrir. En outre, ce qui se produit ici est le résultat de la mobilisation des mouvements sociaux, et pas seulement des classes moyennes intellectuelles, mais des courants quechuas, aymaras et guaraníes qui se trouvaient au coeur de la résistance dans un passé proche. La participation depuis la base de ces communautés à la gestion d’un président doté de puissantes racines identitaires et apprécié avec beaucoup de tendresse, de sympatie et d’esprit militant par les classes moyennes et métisses fait que chaque jour la force qui nous anime prend de l’ampleur et consolide l’union de la nation.

Quel impact cette décision peut elle avoir sur la région ?

La décision bolivienne est en quelque sorte la conséquence de ce qui a pu se faire dans d’autres pays auparavant comme à Cuba ou au Venezuela où sont constituées des sociétés mixtes. La Bolivie a donc en mains des exemples dont elle va pouvoir s’inspirer. Mais je veux m’arrêter un instant sur le cas de l’Equateur. Il est inconcevable qu’un pays comme celui-là, important producteur de pétrole pendant des décennies, ne possède pas la moindre raffinerie propre sur son sol ! Toute la production de brut générée par ce pays est destinée à l’exportation. Et ce pays a été en même temps contraint d’importer du carburant, du diesel et du GPL. Au bout du compte, le solde équatorien entre exportation de brut et importation de produits raffinés est égal à zéro.

Quels changements économiques pourrait-on attendre en cas d’intégration de la Bolivie et du Venezuela au sein du Mercosur au regard de l’apport énergétique de ces deux pays ?

La problématique des hydrocarbures est résumée dans ce qu’un écrivain bolivien - René Zabaleta Mercado - décrivait comme la “bataille pour les excédents”. Qui tire profit de ces excédents et dans quels volumes ? Si les processus engagés en Bolivie et au Venezuela réussissent à faire en sorte que les bénéfices soient réinvestis dans nos pays, alors, l’intégration de nos entreprises publiques sera réussie. Nous aurons réussi à ce que les multinationales de l’industrie pétrolière ne partent pas avec les excédents. C’est le fond du problème.

Interview du ministre des hydrocarbures bolivien, Andrés Soliz. 14 mai 2006. Pagina 12 , Buenos Aires.

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