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Internet ne tue pas la musique : nous avons les preuves

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D'un côté, l'industrie du disque. De l'autre, les individus qui téléchargent la musique sur le Web sans payer. Conflits d'intérêt, logiques économiques : tout les oppose. Le débat enfle, et tourne à la cacophonie. "Terra Economica" fait la lumière en s'appuyant sur les faits, rien que les faits.
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Ils auraient pu former le duo de l’année. Mais entre l’industrie musicale et les internautes, le Larsen monte. Le ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, voit pourtant dans son projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (Dadvsi) "un texte qui concilie la légitimité de la rémunération des créateurs et l’accès du plus grand nombre à la culture et à la connaissance". Le fond du projet de loi : mettre au goût du jour une directive européenne datée de 2001, elle-même née d’un traité international de 1996 fortement poussé par l’industrie du disque.

Dans les faits, il s’agit surtout de punir le contournement des mesures techniques de protection (systèmes qui empêchent de copier librement un fichier numérique). La logique ? S’il est impossible de dupliquer une chanson, on ne pourra plus la faire circuler sur un site d’échange de fichiers par Internet (pair-à-pair ou P2P). Le hic : on risque de ne même plus pouvoir l’écouter chez soi.

Après la fronde des députés qui, fin décembre, ont largement "remixé" le projet de loi Dadvsi, le gouvernement a mis quelques bémols et promis de "renforcer et consacrer l’exception pour copie privée, en permettant, selon le type de support, un nombre suffisant de copies". Probablement cinq pour un fichier provenant d’une plate-forme de téléchargement légal (Apple Music Store, FnacMusic, etc.). Plutôt léger. Car l’usager d’un baladeur numérique copie et efface les mêmes fichiers à chaque fois qu’il modifie sa "playlist". Cette mesure l’amènerait donc à acheter à plusieurs reprises un même morceau. Bref, le débat fait rage. Voici quelques mises au point histoire d’accorder ses violons.

Le P2P va-t-il assassiner l’industrie musicale ?

C’est en tout cas la rengaine des majors (Universal, Warner, Sony-BMG et EMI). L’impact de l’échange de musique en ligne n’est pourtant pas si évident. Après avoir observé pendant dix-sept semaines les échanges d’un réseau de P2P à l’automne 2002, deux chercheurs américains ont conclu que le téléchargement illégal, loin de compromettre les ventes de CD, pouvait même les dynamiser (lire Terra Economica du 29 avril 2004).

Une étude menée en France par l’Ecole nationale supérieure des télécommunications en septembre dernier relativise elle aussi le rôle du P2P dans la baisse des ventes de disques et avance d’autres explications : la baisse du revenu des consommateurs, l’essoufflement des vedettes qui tiraient les ventes vers le haut et la fin de vie du format CD. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) reconnaissait pour sa part en octobre que "les recettes des supports physiques régressent dans tous les pays sans exception ; mais c’est en France que le marché se dégrade le moins (- 2,7 % pour une moyenne de - 6 %)". La France est pourtant l’un des pays les plus accros au P2P.

Les chiffres des majors sont-ils si mauvais ?

Non. Le nombre d’albums vendus aujour­d’hui est certes redescendu au niveau du début des années 1990 (une centaine de millions contre plus de 120 en 2002). Mais les dix dernières années du siècle avaient été royales pour les industriels du disque, notamment grâce aux ventes de CD destinés à remplacer les vinyles et les cassettes tombés en désuétude. Quant à la musique dématérialisée (téléchargements légaux et sonneries de portables), elle a rapporté 32,4 millions d’euros en 2005, selon le Snep, et quasiment compensé les pertes des ventes de disques en 2005 (passées de 953 à 929 millions d’euros en un an). Sans compter qu’elle coûte bien moins cher aux maisons de disques en termes de production et de distribution. Le nombre de titres achetés sur les plates-formes légales a été multiplié par 2,5 au cours des trois derniers mois, selon l’Observatoire de la musique. Et pourtant, en 2005, le nombre de titres échangés via le P2P a encore doublé en France, comme le prouve une étude de l’institut GfK et du mensuel SVM. A croire que le téléchargement illégal, plutôt que de sonner la marche funèbre, contribue à un incroyable engouement pour la musique.

Le P2P ruine-t-il les petits artistes ?

"L’échange de fichiers, clament les majors, assassine les petits artistes". Encore faudrait-il que ces derniers puissent réellement vivre de la vente de leurs albums. "Ils touchent moins d’un euro par album vendu [soit 8 % du prix de gros hors taxe sur la vente des CD], à diviser par le nombre de membres lorsqu’il s’agit d’un groupe", explique Jean-François Dutertre, délégué général de l’Adami, qui gère les droits de plusieurs dizaines de milliers d’artistes-interprètes. Et sur les 99 centimes que coûte une chanson sur les plates-formes légales de téléchargement, seuls 3 à 6 % reviennent aux artistes (contre 60 % pour la maison de disque). De son côté, "le pair-à-pair permet aux petits artistes de se faire connaître, donc de pouvoir faire des concerts et de gagner ainsi un public", affirme Lionel Thoumyre, responsable nouvelles techniques de la Spedidam, l’autre gestionnaire des droits des artistes-interprètes.

La licence globale va-t-elle tuer la diversité musicale ?

"Oui", affirme, sans sourciller, Denis Olivennes, pédégé de la Fnac, même si l’actuel système de distribution est catastrophique pour les petits labels. "Ils ont du mal à se faire distribuer sur un marché occupé pour une moitié par les hypermarchés, qui ne commercialisent que le Top 50, et pour un autre quart par la Fnac, où ils ne restent souvent qu’un mois dans les bacs, faute de place et en raison d’un grand nombre de sorties", résume Igor Szabason, président d’IS Music, une société de conseil et développement musical. D’où l’initiative du Club d’action des labels indépendants français (Calif), appuyé par le ministère de la Culture, qui aide des disquaires indépendants à s’installer en subventionnant une partie de leur loyer.

"Les majors encouragent les jeunes artistes"

"Faux", répond Igor Szabason. Les multinationales du disque ne permettent pas aux artistes de se développer, elles laissent cela aux indépendants et récupèrent les interprètes qui ont commencé à se faire connaître. Elles sont intégrées à des grands groupes financiers qui leur demandent d’avoir des résultats au bout de trois mois." Un délai un peu court pour qu’un jeune artiste fasse ses gammes. "Mensonge", rétorque quant à lui Pascal Nègre, président d’Universal Music France, qui annonçait le 16 janvier dans Le Figaro que sa société investissait 10% de son chiffre d’affaires dans les nouveaux talents. "Star Academy" comprise, naturellement.

La licence globale va-t-elle laisser les créateurs en slip ?

Possible. La Sacem ne s’embarrasse en tout cas pas d’états d’âme. Dans la pétition diffusée sur son site, elle balaie d’un revers plusieurs centaines de millions d’euros que pourrait représenter la licence globale. Ce projet, défendu par l’Alliance public-artistes (Adami, Spedidam, UFC-Que Choisir...), vise à légaliser la mise à disposition et le téléchargement d’œuvres sur les réseaux de P2P en échange d’un forfait ajouté à l’abonnement Internet.

Ne paieraient ce forfait - entre 5 et 9 euros par mois - que les internautes déclarant échanger de la musique en ligne. Mais sur les 10 millions d’abonnés au haut débit que comptera bientôt la France, le potentiel de la licence globale n’est pas négligeable. Pas question pour autant de supprimer la politique répressive actuelle : les fausses déclarations seraient sanctionnées. "Il faudrait accompagner la licence globale d’une sensibilisation du public : si un artiste vous plaît, vous achetez son disque pour qu’il continue à faire la musique que vous aimez", précise Renaud de Montbron, rédacteur en chef du webzine VinylUnity, qui relève au passage le goût fort et persistant des amateurs de musique pour l’objet, qu’il soit vinyle, CD ou DVD.

La licence globale est-elle applicable ?

Il faudrait pour cela commencer par mettre tout le monde au diapason. Comment répartir les sommes collectées ? Comment savoir ce qui est téléchargé ? L’Adami prétend pouvoir redistribuer le produit de la licence globale en s’inspirant de sa méthode pour répartir la redevance pour copie privée collectée sur les supports numériques (CD vierges, baladeurs MP3, etc. - environ 87 millions d’euros collectés en 2004 pour la copie sonore). A savoir : se baser sur les ventes de CD, les programmations des radios et des sondages bisannuels de la Sofres. Plus moderne, pour savoir ce qui circule sur les réseaux de P2P, elle a annoncé que des moyens techniques pouvaient être fournis notamment par la société Advestigo, qui a mis au point un programme permettant de retrouver les copies d’un fichier musical à partir de l’original. Le procédé présenterait l’avantage de ne pas comptabiliser les faux (quatre fichiers sur cinq en moyenne !).

Le directeur marketing d’Advestigo, Christophe Tilmont, tempère toutefois l’enthousiasme des partisans de la licence globale : "Les artistes indépendants risquent d’être noyés dans la masse." Auront-ils les moyens d’inscrire leurs œuvres dans la base de données des originaux ? Les promoteurs de la licence globale annoncent que 25 % des sommes récoltées seraient reversées sous forme d’aides à la création.

La licence globale est-elle adaptable au cinéma ?

Pas sûr. 120 millions de films ont été téléchargés illégalement en 2005. Ce chiffre équivaut à celui des ventes de DVD, mais n’a pas empêché celles-ci de grimper de 10% par rapport à 2004. Pour certains, la licence globale serait inadaptée en raison de la chronologie des médias qui régit le marché : la sortie en salles, suivie six mois après par la sortie en DVD puis, au bout de trois mois, par la vidéo à la demande et la diffusion en télévision (payante puis gratuite). "C’est une politique du XXe siècle, pas du XXI", estime Sébastien Canevet, maître de conférence en droit privé à l’université de Poitiers. Un point de vue un brin iconoclaste que partage Mihai Crasneanu, fondateur du loueur de DVD en ligne Glowria : dans un article pour une revue américaine, il note que "des études ont montré qu’en Grande-Bretagne, la principale motivation pour télécharger un film sur Internet, pour 74% des gens, est de le voir dès sa sortie".

Match nul et balle au centre ?

Pour le cinéma comme pour la musique, la licence globale n’est pas la panacée. Pire, le texte du gouvernement comme la licence globale risquent d’accentuer le « flicage » des internautes. Pour autant, la licence globale est un moyen de récupérer de l’argent sur les échanges P2P qui, pour l’heure, ne rapportent rien. Par ailleurs, "on ne peut pas se contenter de réprimer continuellement le P2P, affirme Laurent Michaud, responsable des loisirs numériques à l’Institut de l’audiovisuel et des communications en Europe (Idate). D’autant que cette politique pousse les utilisateurs vers des réseaux bien plus redoutables, qui rendent anonymes les usagers et cryptent les contenus, voire à l’échange de musique par mail ou messagerie instantanée, encore plus difficilement contrôlable." Quant à la politique des plates-formes légales, "elle risque la concurrence des sites russes (et bientôt chinois) sur lesquel on trouve déjà des albums à 1,5 euro, voire 50 centimes", note Jean-François Dutertre, de l’Adami. Et si les majors, elles aussi, avaient tout à gagner au pair-à-pair ?

EN SAVOIR PLUS

- Le projet de loi Dadvsi Le site de l’Assemblée nationale

- Les arguments contre ce projet de loi Dadvsi Le site de l’EUCD

- Le projet de licence globale Le site de l’Alliance.org

- L’étude du Bureau européen des unions de consommateurs, sur l’offre des sites de téléchargement légaux] : Le site des droits des consommateurs numériques

- L’étude sur l’impact du P2P Le site de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications

- Le Club d’action des labels indépendants français

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