« La droite, c’est la dette », lance l’opposition. La dette, c’est la faute de la gauche répond le gouvernement, qui souhaite instaurer une règle d’or.
Alors qu’une crise de confiance frappe les créances européennes, et que la France vote cette semaine un douloureux plan de rigueur, chaque camp politique se rejette la responsabilité de la situation des finances publiques du pays. Pour les départager, Terra eco a sorti la calculette. Suivez le match par ici :
1er round : La droite dans les cordes
Comme le montre le graphique, les 1381 milliards d’euros de dettes que cumule la France (hors administrations locales) sont largement à mettre au compte des gouvernements de droite. Ceux-ci sont responsables de 67% de la dette actuelle, contre 33% pour la gauche. Et parmi les mauvais élèves de ce classement, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin sont largement en tête, devant Lionel Jospin. Faut-il pour autant accuser la droite d’être moins bonne gestionnaire ? Les économistes interrogés répondent à l’unanimité non.
Benjamin Caron, économiste au Cepii, lance l’alerte. « Attention ces calculs sont trompeurs ! Les euros de 2010 ne valent pas les francs de 1976 à cause de l’inflation et parce que la nation est globalement plus riche. Ce qui fait que dans ces calculs en euros, les gouvernements les plus récents semblent porter une part énorme de la responsabilité. Or les gouvernements sont de droite depuis dix ans, ce qui explique le déséquilibre que vous montrez. Si l’on veut être un peu plus juste avec les différents gouvernements, il vaut mieux calculer, pour chacun d’eux, de combien la dette en points de PIB a varié au cours de leur mandat », alerte-t-il. On reprend le match, en changeant un peu les règles.
Round 2 : Match nul
Le chiffre calculé ci-dessus, c’est à dire le montant total de dettes accumulées pendant chaque mandat, a donc été divisé par le nombre d’années de présence de chaque ministre, puis par le PIB du pays à l’époque (PIB). Une manière de calculer le train de vie de chaque gouvernement selon sa richesse à l’époque.
Le classement est totalement inversé ici. Pierre Bérégovoy et Édith Cresson sont en tête, alors même qu’ils n’ont officié que quelques mois, devant François Fillon et Édouard Balladur. Un point commun à ces Premiers ministres : leurs quatre mandats ont tous été marqués par une croissance faible voire négative. Une période qui accroît mécaniquement le déficit (voir encadré) et donc la dette. A l’inverse, les bons élèves ont tous vécu des périodes de croissance favorable voire soutenue.
Résultat : La dette n’a pas de couleur :
Comparer les conséquences de l’action de chaque camp politique sur la dette semble vain, tant le rôle de la conjoncture économique en dépend. Mieux vaut se faire votre avis sur la manière dont chaque gouvernement a géré ses dépenses, et ses recettes, c’est à dire sa politique. Mais, pour ce match là, c’est vous l’arbitre.
Pourquoi le déficit et la dette augmentent-ils quand la croissance baisse ?
Il y a d’abord une raison économique. Une baisse de la croissance signifie une diminution de la richesse créée chaque année, donc de l’activité. Or l’Etat collecte moins d’impôts quand il y a moins de rentrées fiscales. De même, il y aura plus de chômage, et l’Etat tentera de soutenir l’activité, donc il y aura plus de dépenses. Moins de recettes + plus de dépenses = des comptes qui se dégradent, jusqu’à ce que la différence entre les deux soit de très loin négative, comme c’est le cas aujourd’hui.
Il y a également un effet mécanique. Le déficit est toujours calculé en fonction du PIB. On dit que le déficit est égal à autant de % du PIB. Si la croissance baisse, c’est que le PIB diminue d’une année sur l’autre. Or plus le PIB est faible, plus le déficit (en volume) sera important (en %) en rapport au PIB. Voilà pourquoi le déficit augmente mathématiquement quand le PIB est en berne.
Or chaque déficit vient s’ajouter à la dette, qui n’est que le stock de ces soldes négatifs cumulés chaque année. La dette augmente alors à son tour.
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