Retour au Moyen Age pour les Philippines

Capitalisme et gouvernance :

L’accumulation des richesses au profit d’un nombre de personnes ou de groupes d’intérêts privés, de plus en plus réduits pose des questions fondamentales d’équité sociale. Ceci va même parfois beaucoup plus loin, en particulier dans certains pays du Sud où les systèmes politiques sont encore fragiles et corrompus. La concentration des richesses aboutit à un système de privation des libertés fondamentales, de la liberté d’expression par exemple, et obscurcit les perspectives de développement socio-économique pour une grande majorité de la population.

Les Philippines sont un triste exemple de cette situation. Le pays, anciennement colonisé par les Espagnols jusqu’en 1898, puis par les Etats-Unis jusqu’en 1946, est depuis sous le contrôle d’une minorité de grands propriétaires terriens, qui possèdent la grande majorité des richesses et se partagent le pouvoir politique dans le pays, sans concession pour la population, majoritairement en dessous du seuil de pauvreté. Ces 8000 familles environ, d’oligarches philippins, influent directement sur les lois du pays et disposent de milices et d’armées privées qui imposent leurs décisions, parfois arbitraires sur les 90 millions de personnes que compte le pays.

La réforme agraire par exemple, initiée dans les années 1980 pour redistribuer les terres à la population est un échec avec plus de 70 % des surfaces qui restent aux mains des grands propriétaires. Fait plus grave, les 30 % restants, a priori redistribués aux agriculteurs, sont à la merci d’un changement de loi, de la corruption d’un fonctionnaire local ou d’une décision arbitraire d’un des patrons, appuyé sur le terrain par son armée privée.

Les petits producteurs redoutent d’être privés de leurs terres à tout moment. Pour certains, leurs maisons sont tout simplement brulées, leurs cultures détruites, sans qu’ils n’aient de recours. Les militants qui défendent leur cause et ceux qui décident de défendre leurs droits sont intimides et parfois même emprisonnés. C’est le cas d’Axel Pinpin, activiste Philippin au service de la cause des sans-terre, qui a ete arrêté et emprisonné 28 mois durant et torturé, pour être ensuite relâché et blanchi, aucune charge sérieuse ne pesant contre lui. “Je n’ai pas été arrêté, j’ai été kidnappé, il n’y avait aucun mandat d’arrêt émis contre moi, aucune preuve, c’était juste fait pour intimider le mouvement et les citoyens. Mais j’ai eu de la chance, j’aurais tout simplement pu disparaitre, comme les 1059 militant tués l’année de mon arrestation”.

Le cas d’Axel n’est pas une exception aux Philippines, et on retrouve malheureusement des cas identiques dans beaucoup de pays, en particulier dans les pays du Sud ou la concentration du pouvoir politique et économique réintroduit une sorte de système féodal qui évolue au dessus des lois, ou les modifie arbitrairement. Ces dérives du système néo-libéral représentent un risque tant pour le développement que les libertés fondamentales. Encourager la régulation économique et la redistribution des richesses, est un impératif de justice sociale mais aussi un enjeu politique majeur pour la gouvernance de ces pays. La collusion existe aussi chez nous mais à un bien moindre niveau.

Dans ces pays, il est urgent de trouver des moyens de réguler cette concentration des pouvoirs politiques et économiques, au risque de les voir s’enfermer dans un féodalisme de plus en plus verrouillé, injuste et violent à l’égard des populations les plus pauvres. Si cette régulation n’est pas possible, elle passera nécessairement par le renversement de ces systèmes iniques et corrompus. Hommage a tous ceux qui s’engagent dans ces pays, parfois au péril de leur vie. Ils sont un exemple de courage et de sacrifice personnel. Longue vie à Axel et tous ceux qui se battent a travers la planète contre ce système féodal et pour un monde plus juste.