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25-08-2011
Mots clés
Société
Technologie
France
Interview

« L’opinion peut basculer si elle est mal informée »

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« L'opinion peut basculer si elle est mal informée »
(Crédit photo : DR)
 
Administrateur du Commissariat à l’énergie atomique, Bernard Bigot livre le discours très officiel d’une France qui ne veut pas se passer de l’atome.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Six mois après Fukushima, en quoi cet accident a-t-il modifié la filière nucléaire ?

Ce que je retiens, c’est que des installations vieilles de quarante ans ont résisté à un tremblement de terre de niveau 9. Les systèmes de refroidissement de secours se sont mis en marche correctement, pendant les 45 premières minutes. Bref, tous les indicateurs montrent que les centrales s’étaient arrêtées correctement. Je note aussi qu’une installation nucléaire n’est pas à l’abri d’événements extrêmes rarissimes. Tous les exploitants doivent se préparer à ce type de situations, prépositionner des moyens de secours, les rendre disponibles 24 h/24, sur le site ou ailleurs. Ceci dit, je pense qu’il était possible d’éviter la défaillance actuelle. Les Japonais avaient une douzaine d’heures, même après la panne des systèmes de secours, pour trouver trois générateurs électriques, les acheminer par bateau ou autre.

Après ce coup dur quelle va être la contre-attaque de l’industrie ?

Il n’y a pas eu d’attaque, alors il n’y aura pas de contre-attaque. Il y a, c’est évident, une inquiétude dans la population. Plus que jamais, l’exigence de sûreté est une priorité qui doit être bien prise en compte par les Etats et les acteurs du secteur.

Des pays ont annoncé leur sortie de l’atome. N’est-ce pas un camouflet ?

Examinons-les au cas par cas. En Autriche, cette sortie était prévue. Ils ne veulent pas de nucléaire, même importé. Ça va être difficile car ce pays est connecté à la grille européenne de l’électricité. Celle qui y transite n’a ni odeur, ni couleur. En Allemagne, il n’y a rien de vraiment nouveau sous le soleil. L’arrêt de toutes les centrales était déjà prévu pour 2022. Maintenant, comment vont-ils procéder ? Brûler de la lignite ? Se brancher sur le tuyau de gaz russe et importer du nucléaire français ? Les Allemands sont sur un petit nuage s’ils pensent que les Russes vont ouvrir le robinet de gaz à volonté. En Italie, c’est différent. Il y a une profonde défiance à l’égard du politique. Mais il faut convenir qu’il est un peu irresponsable pour les Italiens de se priver du nucléaire. Car le kilowattheure italien est le plus cher d’Europe et le pays dépendant à 90 % d’importations d’énergie. Quant à la Suisse, elle ne veut pas renouveler ses centrales dont la fin de vie est prévue en 2034. On a le temps.

La société allemande, pour sortir du nucléaire, peut réduire drastiquement sa consommation…

Je mets en garde contre l’illusion selon laquelle plus vous allez faire d’économies, moins vous aurez besoin d’un approvisionnement continu. C’est le contraire, plus vous allez vers la sobriété, plus la production continue est nécessaire. Et la production continue, c’est soit les énergies fossiles, soit le nucléaire. Les modes de consommation peuvent changer ? Certes, l’humanité a vécu sans production continue d’électricité. Mais ce temps est derrière nous. Avec les renouvelables, vous ne pouvez utiliser l’électricité que lorsqu’il y a du soleil ou du vent. C’est l’histoire du meunier qui travaille quand il y a du vent et dort sur ses sacs de blé quand il n’y en a pas ! Notre société est-elle ouverte à ce type de fonctionnement ? Je ne crois pas. Le vrai sujet de la France, c’est moins de réduire sa capacité de production d’électricité d’origine nucléaire que de desserrer sa contrainte d’importation de produits pétroliers. De 2003 à 2005, on a importé 23 milliards d’euros de produits pétroliers. En 2010, 48 milliards. Si on continue sur un baril à plus de 100 dollars (70 euros, ndlr), on sera bientôt à 60 milliards.

Et si l’opinion publique souhaitait que la France sorte du nucléaire ?

L’opinion publique peut basculer si elle est sous ou mal informée. On ne fait de nucléaire que s’il existe un consensus dans le pays. Quand on s’engage, on s’engage pour un siècle minimum. Quel est le politique qui peut rêver d’un siècle continu de pouvoir ? Il faut un consensus parmi les principales forces politiques.

N’est-il pas un brin fissuré ?

Si la question est : le consensus est-il en péril ? Je ne le crois pas. Si la question est : peut-on fermer les centrales, je réponds oui. Techniquement, on sait faire. On ne fait pas de nucléaire par plaisir ou par foucade, mais par nécessité. Les termes de l’équation sont les suivants : il faut disposer d’une énergie de base, sans compromettre le climat et tout en desserrant l’étreinte du pétrole sur notre économie.

L’atome sera l’un des sujets incontournables de la présidentielle à venir…

Soit le débat préservera un consensus suffisamment large pour que les engagements actuels soient tenus, soit nous aboutirons à une sortie du nucléaire. C’est la responsabilité de l’ensemble des acteurs, y compris du CEA, de pouvoir répondre à l’ensemble des interrogations concernant les conséquences de l’une ou l’autre option. Je vise à ce que nous puissions contribuer à un débat informé, éclairé, sincère. —
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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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  • "Avec les renouvelables, vous ne pouvez utiliser l’électricité que lorsqu’il y a du soleil ou du vent" FAUX ! Il suffit de créer des capacités de stockage suffisantes pour obtenir de l’électricité en permanence, avec les centrales hydroélectrique à pompage-turbinage par exemple.

    De plus, des centrales à biomasse, par exemple au biogas produit avec le lisier des porcs de Bretagne, permettraient de répondre aux pics de consommation de manière renouvelable.
    C’est clair que le profit ne serait plus concentré dans un petit nombre de poche, mais serait répartit entre plus d’intervenants, ce que l’industrie du nucléaire ne veut visiblement pas.

    5.09 à 15h46 - Répondre - Alerter
  • L’argumentaire met entre parenthèses, les incapacités à faire face dans les situations catastrophiques, bref à assurer la sécurité. L’inventaire des risques et leurs conséquences font partie de l’information, l’opinion est mal informée et ceci explique son évolution : de la confiance à la défiance puis son opposition.
    Quant à la fable du Meunier sur ses sacs de blé ne peut-elle se résoudre dans la complémentarité des sources d’énergie dans la réduction du nombre d’activités en "flux tendus" ?... C’est une question ouverte.

    29.08 à 07h15 - Répondre - Alerter
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