Calcutta, 2050. Comme les autres grandes cités du monde en développement, la mégapole indienne du Bengale-Occidental explose : 16 millions de personnes s’entassaient déjà dans l’agglomération au début du 21ème siècle, ils sont désormais 40 millions d’urbains à grouiller dans les rues, étendant toujours plus loin la vaste zone des bidonvilles. Le fleuve Hûghlî, qui serpente au cœur de la ville, suffoque : non seulement son eau ne suffit plus à approvisionner les populations locales, mais le changement climatique a considérablement asséché son débit. Une vision de science-fiction ? Pas vraiment. C’est celle inspirée par les conclusions d’une équipe de chercheurs américains : données démographiques, hydrologiques et climatiques en main, ils ont fait tourner leurs programmes pour modéliser la disponibilité en eau dans les plus grandes villes du monde, en 2050.
La démographie coupable
Résultat : le monde urbain va avoir soif. En Inde, en Chine, en Amérique du Sud ou en Afrique centrale, le manque d’eau sera même une galère quotidienne pour un milliard de citadins : leurs robinets déverseront moins de 100 litres d’eau par jour. Soit le seuil de pénurie chronique. « En 2000, 150 millions de personnes vivaient dans des villes avec cette pénurie chronique d’eau, et beaucoup plus encore - 886 millions - avec une pénurie saisonnière », rappellent les auteurs de l’étude.
Pour expliquer l’aggravation de ce phénomène, un grand coupable : la démographie. La population des grandes villes (de plus de 100 000 habitants) devrait en effet passer de 1,2 milliard actuels à plus de 3 milliards en 2050 ! Et le changement climatique risque bien d’ajouter une couche au problème : des modifications hydrologiques sans précédents pourraient bien ébranler la disponibilité en eau. Pour les chercheurs américains, c’est entendu : 100 millions de citadins supplémentaires pourraient être victimes du manque d’eau à cause de l’évolution du climat. « Notre article examine seulement la composante de la disponibilité en eau, mais pour de nombreuses villes, les défis liés à la qualité de l’eau et à sa distribution sont aussi primordiaux », précisent-ils. En clair : le tableau pourrait bien s’assombrir encore.
Et les poissons dans tout ça ? Ces mégapoles baignent en effet leurs pieds dans les plus grandes réserves d’eau douce du monde : le delta du Gange, où pullulent quelque 250 espèces de poissons, la péninsule arabique et ses 50 espèces, ou encore le bassin partagé entre le Nigeria, le Bénin et le Togo, qui compte plus de 293 espèces, dont 29% sont endémiques et introuvables ailleurs. Difficile de prévoir la réaction de ces écosystèmes à l’assèchement des cours d’eau. Une précédente enquête, menée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), en donne pourtant une idée : dans le bassin méditerranéen, lui-même très urbanisé, plus de la moitié des 253 espèces endémiques de poissons sont classées « en danger critique d’extinction », « en danger » ou « vulnérable »...
Des solutions... à financer
D’après les chercheurs, la situation n’est pas inéluctable... mais il va falloir mettre la main à la poche et sortir les pelles et les pioches. Pour les villes assoiffées toute l’année ? Des systèmes de transport d’eau depuis les régions mieux pourvues en réserves hydriques. Coût de l’opération : 0,04 euro pour déplacer un m3 sur 100 kilomètres de distance. Les villes côtières pourraient, quant à elles, opter pour la désalinisation, mais la note sera plus salée : entre 0,43 et 0,57 euro pour produire 1 m3 d’eau, selon la technologie. Pour les villes qui ne souffrent que de façon saisonnière, barrages et autres formes de stockage sont la solution. Une autre étude avait récemment dressé le bilan de ces investissements nécessaires : entre 2003 et 2025, il faudrait poser pas moins de 126 milliards d’euros sur la table chaque année pour construire ces infrastructures et garantir de l’eau pour tous.
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