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8-04-2011
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Climat
Monde
Interview

Comment Fukushima affecte les négociations sur le climat

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Comment Fukushima affecte les négociations sur le climat
(Crédit photo : UNFCCC)
 
Certains pays misaient sur le nucléaire pour réduire les émissions de CO2. L'accident de Fukushima bouscule les stratégies. Le point avec Emmanuel Guérin, directeur de programme Climat pour l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Dimanche 3 avril, un nouveau round de négociations climatiques s’est ouvert à Bangkok, en Thaïlande. Jusqu’ici le nucléaire - peu producteur de gaz à effet de serre - apparaissait comme un outil précieux dans la lutte contre le réchauffement. L’accident japonais a changé la donne. Selon le négociateur en chef de l’Union européenne, l’accident de Fukushima va « avoir des répercussions sur les négociations ». Il a notamment indiqué que l’Europe allait devoir réviser à l’automne sa feuille de route pour 2050, en prenant en compte les « scénarios où la part du nucléaire serait plus faible. »

Terra eco : L’accident de Fukushima va-t-il avoir un impact sur les négociations climatiques comme celle qui s’est ouverte mardi à Bangkok ?

Emmanuel Guérin : Ce n’est pas vraiment l’objet des négociations à Bangkok. Celles-ci ont une autonomie mais aussi une inertie propre. Par ailleurs, il faut rappeler que si les négociations climatiques internationales donnent un cadre de référence à l’intérieur duquel les pays déploient leur politiques de réduction d’émission de gaz à effet de serre, elles sont toujours restées neutres sur les façons d’atteindre ces objectifs. Elles ne prescrivent ni n’interdisent rien, notamment pas le recours au nucléaire.

C’est différent avec les mécanismes de développement propres (MDP) (ces mécanismes qui permettent aux pays développés d’atteindre leurs objectifs en finançant des projets de réduction d’émission dans des pays en développement, Ndlr) Les MDP interdisent, eux, de recourir à des projets nucléaires. On peut citer deux raisons à cela. Il y a une opposition morale, de principe. Mais c’est aussi simplement parce les MDP ne correspondent pas de très gros projets. Ils ne couvrent pas des constructions de centrales avec ces financements énormes au départ.

Dans beaucoup de pays, Fukushima a remis la question nucléaire au coeur du débat. Or, le nucléaire a, pour certains pays, un rôle à jouer dans les objectifs de réduction de gaz à effet de serre...

Il me semble que l’effet de Fukushima est double. A court terme, il va devenir plus difficile pour certains pays de compter sur une part conséquente du nucléaire pour atteindre leurs objectifs. Notamment si l’opposition citoyenne est importante. C’est le cas par exemple de l’Allemagne. Le pays avait initiallement décidé la sortie du nucléaire avant qu’Angela Merkel ne demande la prolongation de la durée de vie des centrales. Cette décision a été remise en cause. Du coup, l’Allemagne pousse désormais moins fort pour le passage de l’objectif européen de 20 à 30% d’émissions en moins à l’horizon 2020. Simplement parce que, pour atteindre cet objectif, elle devait s’engager à réduire ses propres émissions de 40%. Elle comptait pour cela sur la prolongation de la vie des centrales.

En revanche, il n’y aura pas cet impact à court terme avec les nouvelles centrales. Vu les délais de construction et les investissements, les pays qui les construisent ne pouvaient de toute façon pas compter sur ces centrales pour réduire leurs émissions en 2020.

Et l’impact à long terme ?

Avec Fukushima, l’énergie va devenir une question politique alors qu’elle était une affaire d’experts. L’effet pervers des discussions sur le climat jusqu’ici c’est qu’elles portaient sur les objectifs de réduction et non pas sur les moyens pour les atteindre. Une illustration parfaite de cela, c’est le solaire photovoltaïque en France. L’objectif était certes ambitieux, mais il y a eu très peu de réflexion sur la politique industrielle à conduire. Le tarif de rachat garanti sur le solaire photovoltaïque a peut-être permis à certains acteurs d’investir dans de nouveaux secteurs économiques mais il a eu aussi pour effet de creuser le déficit commercial français. Les panneaux photovoltaïques viennent toujours principalement d’Allemagne et de Chine !

Jusqu’ici les discussions sur le climat étaient restées un peu hors sol, désincarnées. Elles ne se traduisaient pas dans de grands choix énergétiques. C’est peut-être bien qu’on réintroduise aujourd’hui dans le débat une granullométrie plus fine. Et il ne faut pas s’arrêter là ! C’est le moment de ne pas rater le débat sur la maîtrise de la demande d’énergie.

Mais cette notion est déjà présente dans la stratégie des pays...

Oui, mais regardez l’Europe par exemple, on ne peut pas dire qu’elle a brillé dans ce domaine. Certes, dans son objectif des 3 x 20 (1) il y a l’efficacité énergétique mais c’est le seul des trois objectifs qui n’est pas contraignant. Objectivement, l’efficacité énergétique est difficile à appliquer. Elle pose notamment des problèmes de gouvernance dans les secteurs du transport ou du bâtiment. Or c’est là qu’il faut faire d’important efforts. Si l’Europe peut mettre en place des directives sur les équipements : les frigidaires, les voitures..., sur le volet infrastructure, la discussion se mène plutôt à l’échelle nationale ou intranationale. Si on veut par exemple encourager un « shift » entre la voiture individuelle et les transports en commun, les leviers sont plutôt du côté des villes. Il me semble que lorsqu’elle a adopté l’objectif d’améliorer de 20% l’efficacité énergétique, l’Europe voulait surtout envoyer un signal fort mais non contraignant. En revanche, d’autres pays comme la Chine ont beaucoup plus axé leur stratégie sur la maîtrise de la demande énergétique.

Peut-on néanmoins imaginer que le problème de Fukushima et les questions de pénurie d’énergie repousse le débat sur le climat ?

On peut toujours imaginer le pire. Mais notre rôle en tant que « think tank » comme celui des médias est de structurer le débat pour qu’on ne tombe pas dans ce scénario. Aujourd’hui, il y a un faisceau convergent d’éléments qui nous permettent de mener quelque chose de sérieux sur la question de l’énergie. Il y a la question de la sûreté du nucléaire, les tensions sur le marché du pétrole entraînées par les révolutions arabes, la hausse du prix des matières premières qui plaide vers une sobriété énergétique. Tous ces élements convergent et permettent de lancer le débat. A nous d’appuyer fort sur ce point convergent.

(1) [Le paquet énergie climat adopté par l’UE en 2008 vise, à l’horizon 2020, à réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, à porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne et à réaliser 20% d’économies d’énergie]

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