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24-01-2011
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Emploi
Macro-économie
France
Monde
Interview

Tim Jackson : « Sur les 35 heures, la France a manqué de volonté politique »

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Tim Jackson : « Sur les 35 heures, la France a manqué de volonté politique »
 
La réduction du temps de travail ? Elle ne saurait se passer d'une réforme de notre système productiviste et compétitif, assure l'économiste britannique, auteur de « Prospérité sans croissance ».
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Terra eco : La perspective d’une croissance perpétuelle et du plein emploi semblent s’éloigner chaque jour davantage. Dans ce contexte, la réduction du temps de travail vous apparaît-elle comme inéluctable ?

Tim Jackson : Si la croissance ne se poursuit pas, la réduction du temps de travail peut en effet aider à retrouver le plein emploi. Mais il existe une seconde tactique. Celle-ci consiste à remettre en cause la croissance de la productivité. Ainsi, l’économie n’aurait plus besoin de croître. Et le temps de travail n’aurait pas à être réduit… C’est d’autant plus vrai si on imagine une transition vers une économie dans laquelle s’échangent essentiellement des services à la personne. Chercher à améliorer la productivité de ces activités n’a pas vraiment de sens. Dans ces secteurs-ci, il s’agit plutôt de maintenir la valeur essentielle du temps humain.

Je crois que ces deux stratégies sont toutes deux valides. L’une qui consiste à défier le paradigme selon lequel vous devez absolument chercher la productivité du travail. Et à accepter que dans certaines activités, le travail soit la valeur la plus importante… et que le temps consacré doit être protégé. L’autre qui consiste à penser une politique du temps de travail afin d’assurer un plein accès à l’emploi. C’est ainsi, à mon sens, que la réduction du temps de travail doit être pensée. Plutôt que comme un levier qui va faire baisser la croissance.

Le temps libéré par la réduction du temps de travail peut-il être bénéfique à la société, à l’économie ?

Il peut l’être. Mais ce n’est pas automatique. Si vous réduisez le temps de travail, que font les gens ? Est-ce qu’ils sortent faire des courses ? S’ils augmentent leur consommation, la demande – ainsi que la production – augmente. Mais cela a un effet pervers du point de vue environnemental. En clair, il faudrait que ce temps désormais libre soit employé à des activités sociales, communautaire, familiales ou à des loisirs « légers » en carbone et peu matérialistes. Il faut donc avoir des politiques jointes qui, à côté de la réduction du temps de travail, promeuvent ce genre d’activités. Et il faut réformer nos structures existantes. Aujourd’hui, elles sont très fortement tournées vers une consommation matérialiste, vers la recherche de salaires toujours plus hauts, vers la compétition sociale, etc.

Pourquoi pensez-vous que la réussite des 35 heures est aujourd’hui largement remise en cause en France ?

Mettre en place une réduction du temps de travail est une tâche très difficile. Les employeurs sont soumis à de fortes pressions pour faire travailler leurs employés plus longtemps. Cela leur permet de réduire leurs coûts fixes et de mieux contrôler leur force de travail. Les individus eux-mêmes sont soumis à des pressions qui les poussent à travailler plus que le temps optimal nécessaire pour répondre à leurs besoins. Leurs décision ne sont en effet pas individuelles mais sont prises au sein d’un environnement compétitif. Dans celui-ci, ils doivent rester en phase avec ce qui les entourent. En clair, tout le monde évolue dans un jeu de somme nulle (1) avec une très forte pression qui pousse à travailler de longues heures.

Quelles leçons peut-on tirer de l’exemple français ?

Il faut appliquer une politique très solide afin de contraindre les employés et les employeurs à réduire le temps de travail sans qu’ils se sentent en danger dans ce nouveau cadre. Mais cela demande un engagement politique très fort. En France, je crois que la volonté politique a été ébranlée assez vite. Simplement parce que la perte du temps de travail des salariés n’a pas été contrebalancée par une hausse de la productivité, et donc de la production. La stratégie du temps de travail doit avoir un objectif clair, et un leadership politique clair. Elle doit prendre en compte les inégalités et les pressions sociales. Ce n’est pas un outil politique simple, qui vous arrive clés en main.

(1) Dans un jeu de somme nulle, la somme des gains est égale à zéro. Dans ce système, quand l’un gagne, l’autre perd.

Tim Jackson est l’auteur de « Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable » (De Boeck, 2010).

A lire aussi sur terraeco.net :
- L’interview de la sociologue Dominique Méda « La réduction du temps de travail est inéluctable »

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