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« Contre la faim, il faut conjuguer les savoirs comme un Rubik’s Cube »

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« Contre la faim, il faut conjuguer les savoirs comme un Rubik's Cube »
(Légende : Des habitants de Davao aux Philippines en juin 2008. Crédit photo : Keith Bacongco/Flickr)
 
S'occuper des pauvres, réformer le commerce international, améliorer la productivité agronomique… Voilà quelques pistes pour prévenir de nouvelles émeutes de la faim, selon Ismail Serageldin, ancien vice-président de la Banque mondiale.
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Terra eco : En septembre au Mozambique et ce mois-ci en Algérie, la population se révolte contre l’augmentation du prix des denrées. Parmi les causes citées des récentes émeutes, on avance les intempéries en Australie ou les incendies estivaux en Russie. Mais n’est-ce pas aussi la manifestation d’un problème plus profond ?

Ismail Serageldin : Bien sûr. La question de la faim universelle est avec nous depuis pas mal de temps. Aujourd’hui près d’un milliard d’individus ont faim dans le monde et ce malgré les objectifs du millénaire signé par près de deux cents chefs d’Etat (1). C’est un problème de fond. Certes, avec les changements climatiques, il devient plus dur d’y faire face. On a des combinaisons d’inondation, de sécheresses, etc. qui rendent la production agronomique beaucoup plus difficile à gérer.

Pour contenir la colère, le gouvernement algérien a fixé officiellement ce week-end le prix du sucre et de l’huile. Est-ce une bonne solution ?

Non. La seule manière de contrôler les prix, c’est d’assurer une production suffisante. Les prix administrés mènent presque toujours à un marché noir. Si le prix réel des denrées est beaucoup plus haut que le prix officiel du gouvernement, il y aura du favoritisme, du népotisme, de la corruption. Il faut stabiliser l’offre et la demande et assurer une augmentation de la production qui aidera à réduire les prix. Mais il ne faut pas pour autant réduire le revenu des petits fermiers, clés de voute de l’action environnementale et de la lutte contre la faim. Pour résoudre le dilemme, il faut augmenter la productivité des petits fermiers à un rythme plus rapide que celui de la baisse des prix. Pour cela, on a besoin des apports de la recherche agronomique, d’une réduction des pertes après moisson et d’une compréhension plus approfondie de l’écologie locale.

Vous parlez de recherche agronomique. Lors de votre conférence de presse de rentrée au Collège de France, vous avez évoqué les OGM. Sont-ils, selon vous, un outil nécessaire pour remporter le combat contre la faim ?

Je sais qu’en Europe les gens sont très remontés contre les OGM mais il n’y a aucune preuve scientifique d’un danger quelconque. Les OGM ont été beaucoup plus réglementés que les autres semences et aux Etats-Unis, ils sont consommés par 300 millions d’individus depuis une douzaine d’années sans aucun problème. Pour moi le développement transgénique, c’est un instrument qu’il ne faut pas exalter, ni diaboliser. Dans certains cas, il peut être utile.

En augmentant sa productivité, l’objectif d’un pays doit-il être de garantir son indépendance alimentaire ?

C’est très important que de grands pays comme la Chine et l’Inde maintiennent leur équilibre de production. Si la Chine avait besoin d’importer 10% de ses besoins en riz, ça enlèverait 30% du riz disponible sur le marché mondial. On assisterait à une flambée des prix. Qui paierait ? Les pays africains qui n’ont pas les moyens financiers d’acheter des denrées au prix fort. On aurait alors une répétition de 2008.

Mais d’autres pays n’ont pas les moyens d’être autosuffisants. Et parfois l’autosuffisance n’est pas une bonne idée. Depuis les émeutes de 2008, l’Egypte s’efforce de cultiver du blé sur le peu de terres dont elle dispose. Ne vaudrait-il pas mieux produire des légumes, des fruits, des fleurs qui sont beaucoup plus rentables à l’hectare et les exporter vers l’Europe ? Le problème, c’est que depuis les émeutes, l’Egypte ne fait plus confiance au marché international. Car à chaque crise, les pays bloquent les exportations. Ce fut le cas de la Russie après l’épisode des incendies l’été dernier.

A chaque fois qu’il y a pénurie, les pays qui ont des stocks devraient les sortir plutôt que les retenir. Mais pour cela, il faut rétablir la confiance. Avec les cycles de négociations successifs (Kennedy, Uruguay, Doha Round), la situation s’améliore mais il y a des choses à retoucher.

Donc pour résoudre le problème de la faim, il faut un peu d’autosuffisance, des stocks pour contrer les aléas et une amélioration du marché international. Et tout ça en respectant la nature. C’est plutôt compliqué comme équation…

Compliqué mais faisable. Pour expliquer cela, je choisis souvent comme symbole le Rubik’s Cube. Résoudre le puzzle a l’air très compliqué mais il y a une solution. De la même manière, conjuguer des politiques pour arriver à nourrir l’humanité, éradiquer la faim, travailler en harmonie avec la nature, c’est faisable. Il faut cibler les pauvres dans les villes, dans le monde rural, réviser le commerce international, la politique des subventions, les taxes, augmenter l’investissement dans les routes, l’éducation, la science pour améliorer la production agronomique… Il faut cerner tous ces savoirs et les conjuguer tel un Rubik’s Cube pour arriver à des solutions valables. Mais elles existent ces solutions !

(1) En 2000, près de 200 chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient engagés à réduire la faim de moitié avant 2015. C’est le premier des huit objectifs du millénaire signés par 189 Etats en septembre 2000.

Ismail Serageldin est directeur de la bibliothèque d’Alexandrie et titulaire de la chaire « Savoirs contre pauvreté » au Collège de France. Ses cours peuvent être visionnées sur le site du Collège

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  • Anonyme : Mouais...

    Ismail Serageldin parle de la nécessité d’accroître la productivité agricole, mais n’évoque nullement l’utilisation éventuelle de produits phytosanitaires. Peut-être que c’était au journaliste de le relancer sur ce sujet...

    De même, quand il dit que l’Égypte devrait mieux exporter des fleurs plutôt que de viser l’autosuffisance, c’est tout sauf écolo-compatible.

    27.01 à 21h18 - Répondre - Alerter
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