Climat : la longue route vers un accord mondial |
Par Thomas Matagne |
Emissions de CO2 : pourquoi il est déjà trop tard |
L’atténuation des émissions n’était pas un chapitre sur lequel nous attendions à Cancún des avancées majeures ; au huitième jour des négociations, il semble que quelques progrès sont en cours (c’est-à-dire que la situation n’est pas totalement bloquée), mais ils sont mineurs. Les discussions de réduction des émissions se font dans différentes arènes, au sein du protocole de Kyoto, et dans le groupe LCA (Long-term cooperative action). Dans le cadre de Kyoto, les pays seraient en train de s’accorder sur une année de référence et sur la longueur de la seconde période d’engagement (cinq ans, de 2013 à 2017). Mais la grande inconnue, majeure, est de savoir qui va participer (le Japon affirme refuser, la Russie et le Canada sont ne sont pas chauds), avec quels objectifs. Sans compter qu’il faut régler les problèmes du protocole (réformer le système de mécanisme de développement propre, et se séparer des émissions en surplus de la première période d’engagement). Du côté du LCA, les discussions se focalisent sur comment prendre en considération les engagements de l’accord de Copenhague. Faut-il les rapatrier au sein de la Convention (puisque l’accord a été établi en dehors) ? Sous quelle forme (registre, annexe) ? En somme, on peut dire que les discussions avancent quelque peu…
Mais le problème n’est pas vraiment là. Le problème est que les engagements de réduction des émissions sont tout à fait insuffisants. On le savait déjà, mais un rapport publié il y a peu par le Programme des Nations unies pour l’environnement nous rappelle l’ampleur de l’enjeu. Afin d’avoir des chances raisonnables de ne pas dépasser un accroissement de température de 2° C en 2100, il faudrait limiter nos émissions à 44 gigatonnes (milliards de tonnes) de CO2 équivalent en 2020. Le scénario tendanciel nous pousse à 56 Gt CO2 eq. Une application des promesses de Copenhague permettrait de descendre entre 49 et 53 Gt CO2 eq. suivant leur application (règles de comptabilité strictes ou laxistes, haut ou bas des fourchettes d’engagement). Il y a donc un manque de réductions compris entre 5 et 9 Gt CO2 eq. Vu que les promesses permettraient des réductions de 3 à 7 Gt CO2 eq., cela signifie que nous prévoyons de faire moins de 50% de ce qui serait nécessaire.
Le diagramme ci-dessus indique des chemins d’émissions (ordonnées) dans le temps (abscisses). Les différentes couleurs indiquent à quel niveau de température chaque chemin nous mènerait. Le carré noir indique où l’accord de Copenhague nous situerait (les barres au-dessus et en dessous donnent les niveaux extrêmes suivant les hypothèses retenues).
Or il n’y a aucun espoir de voir les promesses augmenter à Cancún ; ce n’est même pas sur la table. Les perspectives pour les années à venir ne sont pas non plus très réjouissantes. La situation se dégrade depuis Copenhague : certaines promesses ne sont plus aussi certaines. Le contexte domestique aux Etats-Unis est devenu encore plus climato-sceptique : il n’y aura pas de régulation globale de l’économie avec les prochaines élections présidentielles. Mais il faudra aussi compter sur la situation au Canada, au Japon, en Russie. Et que l’Australie n’ait pas retourné sa veste d’ici là.
Bref, la prochaine fenêtre de tir pour un accroissement radical de la réduction des émissions n’est pas avant 2014. Or, il faut que les émissions mondiales aient atteint leur maximum en 2020. Le temps de ratifier un accord international, de mettre en place le système, qu’il ait un effet, 2020 sera passé. Il faudrait que les pays émergents prennent le leadership en matière d’atténuation ; mais cela serait inéquitable (les gros pollueurs historiques continuant de polluer). Et politiquement très difficile pour les gouvernements de ces pays.
En l’état actuel des choses, on ne voit pas vraiment comment on pourrait aller sur la route des 2° C, et encore moins des 1,5° C. Alors que l’on sait en même temps qu’au-delà, nous pouvons passer des seuils pouvant s’avérer très dangereux.
Objectivement, rationnellement, on s’est planté. Il nous faut compter sur les rebondissements de l’histoire, les sursauts. Et d’ici là garder le cap, continuer d’avancer, comme le dit (en pleurs) Christiana Figueres, secrétaire de la Convention. Avancer chaque année un peu, ne pas s’arrêter.
Plus d’info sur les objectifs de température, les conséquences, les réductions d’émissions… dans ce billet.
Retrouvez les textes de Thomas Matagne sur « Adopt a negociator »
Etudiant en sciences et politiques de l’environnement. « Tracker France » pour le site "Adopt a negociator", qui vise à donner accès à la société civile aux négociations sur le climat à travers le regards de jeunes venus du monde entier. |
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